Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/149

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ainsi : le style romain est d'essence grossière, nous ne le supportons que quand il nous ouvre de larges fenêtres dans de vastes pièces ; dès que cette question de confort est écartée et que ce style pénètre dans une église, nous voyons disparaître sa beauté. Le gothique et le byzantin, au contraire, conviennent aux églises et aux habitations : ils ne furent portés à leur perfection que lorsqu'ils servirent à ce double usage.

Mais il existe, dans le travail byzantin, un caractère qui, suivant l'époque où il fut employé, peut paraître approprié ou non aux convenances ecclésiastiques : c'est le caractère essentiellement coloriste de sa décoration. Nous avons déjà parlé des grands espaces de murs laissés vides, sans aucun ornement d'architecture, et que des ornements superficiels de sculpture étaient chargés de rendre intéressants. C'est par là que l'architecture byzantine diffère essentiellement du pur style gothique qui peut remplir de vastes étendues par des motifs architecturaux en se rendant indépendants de l'art de la peinture. Une église gothique peut produire une profonde impression par une simple succession d'arceaux, une accumulation de niches, ou des enchevêtrements de contours ; mais une église byzantine exige une décoration intéressante et expressive sur ses vastes espaces unis, et cette décoration n'est ennoblie que par la peinture représentant les produits naturels : hommes, animaux ou fleurs. Pour savoir si le style byzantin convient aux églises modernes, il faut donc rechercher si la religion a pu ou pourrait être touchée par l'art de la peinture et l'art de la mosaïque.

Plus j'ai examiné ce sujet, plus j'ai trouvé dangereux de dogmatiser sur la nature de l'art qui, à une certaine