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CHAPITRE VII

LE MÉPRIS DE L’ORGUEILLEUX


De tous les monuments de Venise postérieurs en date aux additions finales du Palais Ducal, le plus noble est, sans aucun doute, celui qui, ayant été condamné il y a quelques années, par son propriétaire, à être jeté bas pour être vendu à la valeur des matériaux, fut sauvé par le gouvernement autrichien et approprié — les fonctionnaires de ce gouvernement ne lui trouvant pas d’autre emploi — à renfermer les bureaux de la grande poste. (Ce qui n’a, du reste, pas empêché les gondoliers de continuer à le désigner sous son ancien nom : La Casa Grimani). Il se compose de trois étages d’ordre corinthien, à la fois simples, délicats et sublimes, et il a de si vastes, proportions que les palais, à sa droite et à sa gauche, qui ont aussi trois étages, n’arrivent qu’à la corniche qui marque son premier étage. On ne saisit pas, du premier coup d’œil, la grande dimension de ce palais, mais, si on essaie de le cacher, on s’aperçoit combien le Grand Canal, qu’il commande, perd soudain de sa grandeur et on reconnaît que c’est à la majesté de la Casa Grimani que le Rialto lui-même et le groupe de constructions qui l’environnent doivent la plus grande part de l’impression qu’ils produisent. Le fini des détails n’est pas moins remarquable que leur dimension : il n’y a pas une erreur