Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/249

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orgueil ou par affection, le trait le plus caractéristique de la Renaissance est l’introduction, dans toutes ses œuvres, de connaissances approfondies, aussi complètes qu’elle pût les posséder, et la conviction évidente que cette science est nécessaire à la perfection de l’œuvre. Les formes employées sont étudiées avec le plus grand soin jusque dans leurs moindres détails ; l’anatomie des structures animales est comprise et fidèlement reproduite et, dans l’ensemble de l’exécution, l’habileté est poussée au plus haut degré. La perspective linéaire et aérienne, la perfection du dessin et de la distribution des ombres et des lumières dans la peinture, l’anatomie réelle dans la reproduction des formes humaines, dessinées ou sculptées ; telles sont les exigences premières de l’École pour toutes ses œuvres.


Considéré d'un point de vue charitable, comme inspiré par un réel amour de la vérité, et non par l’ostentation, tout cela eût été parfait, admirable, à condition d’être regardé comme le soutien de l’art et non comme son essence même.

La grande erreur des Écoles de la Renaissance fut de regarder la science et l’art comme une seule et même chose et de croire qu’ils pouvaient progresser du méme pas, alors que ce sont, au contraire, des choses si opposées que, dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, avancer dans l’une est rétrograder dans l’autre. C'est sur ce point que j’appelle l’attention du lecteur.


La science et l’art se distinguent par la nature de leurs fonctions : l’une sait ; l’autre est changeant, producteur et créateur ; mais la plus grande différence qui les sépare tient à la nature des choses qui les préoccupent.

La science compte exclusivement avec les choses telles