Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/283

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forme, sinon par leur esprit, ressemblaient aux anciennes constructions. C'est pendant ce règne qu’apparaît le style de transition qui ne permit plus de considérer l’architecture vénitienne comme appartenant encore à l’École gothique. Foscari mourut en 1457, et son tombeau est la première manifestation importante de la Renaissance, manifestation remarquable surtout en ce qu’elle introduisit tous les défauts de ce style, à une période de début où ses qualités, quelles qu’elles fussent, n’étaient pas encore développées. Sa prétention à prendre rang parmi les œuvres classiques est annulée par des restes de sentiment gothique, mais d’un Gothique tellement corrompu et dégradé que nous ne demandons qu’à en être délivrés. La Renaissance parfaite est, du moins, pure dans sa fadeur et subtile dans son vice ; quant à ce monument, il n’est digne d’être remarqué que parce qu’il nous montre les débris corrompus d’un style étouffant l’embryon d’un autre, et les principes vitaux aussi compromis par les langes que par le linceul.


Pour notre étude présente, ce monument a pourtant une grande importance : nous suivons, dans les sépulcres, l’intrusion de l’orgueil d’État, parallèle à l’évanouissement du sentiment et de l’espoir religieux que vient remplacer l’étalage de plus en plus arrogant des vertus du défunt. Or, cette tombe est la plus grande et la plus coûteuse que nous ayons vue et sa manifestation religieuse se borne à une petite statue du Christ qui lui sert de pinacle. Le reste de la composition est aussi curieux que banal. Nous avons déjà signalé une idée empruntée à l’école pisane, celle des anges tirant les rideaux pour contempler le mort ; idée dont tous les sculpteurs se sont servis à tour de rôle : à mesure que nous approchons de l’avènement de la Renaissance, les anges perdent de leur importance, mais