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CHAPITRE X

MENE


Nous avons vu la phase de transition faire descendre la nature morale de Venise jusqu’à la poursuite effrénée du plaisir. Le peuple et la noblesse n’avaient plus assez de vigueur pour être orgueilleux ; plus assez de prévoyance pour être ambitieux. Une à une, les possessions de l’État de son commerce, taries par sa propre apathie, furent abandonnées à ses ennemis ; les sources détournées par de plus énergiques rivaux ; le temps, les ressources, les pensées de la nation étaient absorbées par l’invention de fantastiques et coûteux plaisirs qui secouaient sa torpeur, endormaient ses remords et déguisaient sa ruine !


L’architecture vénitienne de cette époque est la plus honteusement basse qu’ait jamais produite la main de l’homme ; elle se distingue par un esprit de brutale moquerie et d’insolente raillerie qui se répandit en sculptures difformes, monstrueuses, perpétuant, par la pierre, l’image des obscénités de l’ivresse. Je ne me serais pas arrêté sur une telle période, sur de telles œuvres, si je n’avais trouvé que, pour comprendre l’esprit de la Renaissance dans son ensemble, il faut le suivre jusqu’à sa transformation finale. Et puis, l’étude de ce genre de raillerie