Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/38

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si tranquille, si dénuée de tout, sauf de son charme, qu'on peut, en contemplant son pâle reflet dans la lagune, se demander quelle est la cité, quelle est l'ombre !

Je voudrais tracer son image avant qu'elle se perde à jamais, et rappeler, autant qu'il sera en mon pouvoir, l'enseignement que semble murmurer chacune des vagues envahissantes qui viennent battre, comme des cloches errantes, LES PIERRES DE VENISE.

Il serait difficile d'estimer trop haut la valeur des leçons que peut répandre l'étude approfondie de cette étrange et puissante cité : son histoire, malgré les travaux d'innombrables chroniqueurs, reste encore dans le vague, traversée d'ombre et de lumière, semblable au lointain rivage de son océan où le brisant de la lame sur le banc de sable se confond avec le ciel. Si nos recherches ne rendent pas son contour beaucoup plus net, elles en modifieront cependant l'aspect, car l'intérêt qu'elles renferment est d'une nature beaucoup plus élevée que celui contenu habituellement dans une étude architecturale. Je pourrai, peut-être, par quelques mots, donner au lecteur une idée plus juste de l'importance des révélations sur le caractère vénitien que nous devons à l'art de Venise, et de l'étendue d'intérêt que fournit l'étude de son histoire véridique, qu'il n'en pourrait récolter dans les fables répandues sur ses mystères et sa magnificence.

Venise est généralement considérée comme une oligarchie, alors qu'elle n'en devint une que pendant la seconde moitié de son existence, moitié qui comprend les années de son déclin. Une des premières questions à examiner sérieusement est celle de savoir si ce déclin est dû au changement dans la forme de son gouvernement,