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nent italien et au soutien du Doge le plus pieux et peut-être le plus sage de sa génération : Tomaso Mocenigo, qui repose dans un de ces temples et dont la mémoire peut supporter sans crainte la présence de statues représentant les Vertus dont un sculpteur toscan a entouré sa tombe.


Un trait intéressant de la politique de Venise, qui se représente souvent et qui, pour les catholiques romains, est la preuve de son irréligion, est la lutte superbe et victorieuse qu’elle soutint contre le pouvoir temporel de l’Église. Il est vrai que, dans un rapide examen de son histoire, l’attention est tout d’abord arrêtée par le drame étrange auquel j’ai déjà fait allusion, terminé par la mémorable scène du portail de Saint-Marc[1]. Aux yeux d’un grand nombre, cette scène fut l’expression la plus complète de l’insoutenable domination du pouvoir pontifical. Il est vrai que Venise fut fière du service rendu par elle à ce pouvoir, qu’elle le rappela sur les insignes du Doge et dans la forme de sa principale fête, mais le cours des années amortit, peu à peu, cet enthousiasme d’un moment : la bulle de Clément V excommuniant les Vénitiens et leur Doge qu’il compare à Dathian, à Abiram et à Lucifer, prouve mieux les tendances du gouvernement vénitien que l’ombrelle du Doge et l’anneau jeté dans l’Adriatique, et l’exclusion absolue du clergé dans les Conseils

  1. … « À la porte du temple,
    (L’airain a disparu, le porphyre est resté)
    Barberousse, ôtant son manteau
    Et s’agenouillant, reçut sur son cou le pied
    Du fier pontife, enfin dédommagé
    De sa fuite, de ses déguisements et de plus d’un frisson
    Sur son oreiller de pierre. »

    Je n’ai pas besoin d’indiquer d’où viennent ces lignes : « L’Italie » de Rogers a maintenant sa place dans toutes les bibliothèques, où elle restera. Le véritable esprit de Venise est mieux dépeint dans ce poème que dans tout ce qui a été écrit sur ce sujet.