Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/59

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tienne-arabe avec laquelle elles eurent, tout d'abord, de tels points de contact qu'il serait difficile de distinguer les ogives arabes de celles qui semblent avoir été construites au temps de ce Gothique primitif. Les églises de San Giacopo dell'Oria, San Giovanni in Bragora, le Carmine et une ou deux autres en fournissent les seuls spécimens importants. Mais, au XIIIe siècle, les franciscains et les dominicains vinrent, du continent, implanter à Venise leur moralité et leur architecture, un Gothique déjà distinct qu'avaient curieusement élargi les formes lombardes et septentrionales (allemandes ?). L'influence de ces principes étalés dans les églises de San Paolo et dei Frari modifia rapidement l'École vénitienne arabe. Les deux systèmes pourtant ne se fondirent jamais : la politique de Venise réprimait les empiétements de l'Eglise, les artistes vénitiens en firent autant. Depuis lors, l'architecture de la ville fut divisée en deux zones : l'une ecclésiastique, l'autre laïque ; l'une employant les formes disgracieuses, mais puissantes du Gothique oriental, communes à toute la péninsule, et ne laissant paraître le goût vénitien que dans le choix de certains ornements caractéristiques ; l'autre se servant, sous l'influence des franciscains et des dominicains, d'un Gothique riche, généreux, entièrement original, dérivé du vénitien-arabe, dont le trait spécial fut adopté par les formes arabes : la légère décoration ajourée. Nous comparerons ces diverses sortes de Gothique à l'architecture très distincte de Venise représentée, du côté ecclésiastique, par les églises San Giovanni et Paolo, I Frari et San Stefano ; du côté civil, par le Palais Ducal et les autres principaux palais gothiques.

Le style traditionnel vénitien est donc centralisé à la date de 1180 ; il se transforma rapidement en un Gothique qui s'étend, dans sa pureté, du milieu du XIIIe siècle au