Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/83

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N'insistons pas davantage sur cette curieuse dépression de la Lombardie qui paraît avoir suivi son cours paisible depuis plusieurs siècles, constatons seulement que le Pô et ses grands affluents ont, peu à peu, transporté jusqu'à la mer des masses du plus beau sédiment. La nature des plaines lombardes est caractérisée par les anciens murs des villes, généralement construits en larges cailloux ronds des Alpes alternant avec des briques ; cailloux rendus illustres, en 1848, par les remparts, de quatre ou cinq pieds de haut, qu'ils servirent à édifier autour de chaque champ pour faire obstacle à la cavalerie autrichienne dans les combats livrés sous les murs de Vérone. Le sable dans lequel ces cailloux sont dispersés est recueilli par les rivières, sans cesse grossies par les neiges des Alpes : avant leur arrivée dans l'Adriatique, les eaux, si pures au sortir du lac qui baigne la base de la chaîne, deviennent limoneuses et opaques. Au moment de se jeter dans la mer, elles éliminent le sédiment, qu'elles ont transporté : il forme la vaste langue de terre qui longe la côte de l'Italie. Le cours puissant du Pô forma, naturellement, le banc le plus considérable, entouré, au nord et au sud, d'un espace marécageux alimenté par des torrents plus faibles et moins susceptibles de changements rapides que le delta de la rivière centrale. Sur un de ces espaces, s'élève Ravenne et sur l'autre Venise.

Sans nous attarder à examiner sous quelle influence se forma cet amas de sédiments, notons qu'il existe, depuis l'embouchure de l'Adige jusqu'à celle de la Piave, à une distance du rivage variant de trois milles à cinq milles, un banc de sable divisé en longues îles par d'étroits filets de mer et séparé du rivage par une grande plaine de boue calcaire formée par les sédiments venant des fleuves. Cette