Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

également bons et souvent l’impression ressentie par l’auditoire dépend presque autant de l’aspect plus ou moins favorable de la chaire d’où parle l’orateur que de ses gestes et de ses paroles. Lorsque la chaire est richement ornée, elle peut distraire l’auditeur et porter son esprit à errer, s’il n’est pas suffisamment intéressé. Souvent, dans les cathédrales qui renferment de magnifiques chaires, ce n’est pas de là qu’on prêche ; on choisit un autre point de l’église, moins propre à détourner l’attention. Cette remarque s’adresse plutôt aux sculptures colossales et aux pyramides fantastiques qui encombrent les églises d’Allemagne et de Flandre qu’aux délicates mosaïques et aux sculptures ressemblant à des ivoires que renferment les basiliques romanes ; la forme y reste simple et la couleur et la valeur du travail ne rejettent pas l’orateur au second plan.


Il y a deux manières d’envisager un sermon : comme une œuvre humaine ou comme un message divin. Dans le premier cas, nous demandons au prédicateur de la science et du soin dans la composition, de la grandeur dans la diction ; nous admettons volontiers que la chaire soit entourée d’une frange d’or, qu’un riche coussin de soie serve à appuyer le livre relié de noir où sera écrit le sermon que nous devons écouter en silence pendant une demi-heure ou trois quarts d’heure. Nous savons aussi, qu’après avoir accompli ce devoir, nous pourrons n’y plus penser, ayant l’heureuse confiance de retrouver un autre sermon quand il sera nécessaire.

Si, au contraire, nous considérons le prédicateur comme un envoyé qui nous apporte un message de vie ou de mort ; si nous croyons que, pendant les deux heures qui lui sont accordées chaque semaine, il peut parler aux esprits dont il a la charge et qu’il voit courir à leur perte :