Page:Ryner - Les Esclaves, 1925.djvu/15

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Agnès (dans une extase). — Comme mon Dieu !

Stalagmus. — Il parle dans l’exaltation de je ne sais quelle ivresse. J’entends quelques-unes de ses paroles de démence : « Ma mort fait mon salut ! Ma mort aide au salut du monde ! »

Agnès. — O mon fils, ô glorieux martyr, heureux les flancs qui te portent. Tu avanceras d’une heure le triomphe du Christ. Tu avanceras d’une heure l’affranchissement de tes frères.

Stalagmus. — Silence… J’aperçois des temps plus éloignés… Etrangetés et prodiges ! Evénements aussi fous que les hommes ! Une croix faite de lumière marche dans le ciel devant l’armée d’un César qui va combattre un autre César.

Tyndare. — Que dit-il ?

Stalagmus. — Celui qui suit la croix est victorieux par le signe honteux, et voici que le César se fait chrétien.

Agnès. — Gloire à Dieu ! Un César chrétien ! Gloire à Dieu ! Il n’y a plus d’esclaves !

Stalagmus. — Je vois toujours des têtes qui se courbent sous des mains qui commandent et qui menacent.

Agnès. — Tu ne laisses pas le temps d’agir au César chrétien. Regarde un peu plus loin. Il va certainement affranchir ses frères.

Stalagmus. — Le César chrétien n’affranchit personne. Les enfants des petits-enfants de ton fils restent esclaves. Sostrata. — Les chrétiens parlent souvent contre le meurtre et contre la guerre. Le César chrétien, du moins, fera cesser la guerre.

Agnès. — Dans le monde chrétien, il n’y aura plus de soldats. Nul ne tirera le glaive, nul ne périra par le glaive.

Stalagmus. — Le César chrétien est un grand et cruel guerrier.

Agnès. — Si tu dis vrai, tu dis les crimes d’un homme. Mais, après lui, mes frères, j’en suis trop certaine, aboliront guerre et esclavage.

Stalagmus. — Après lui, je vois les chrétiens s’entretuer.

Sostrata. — Pourtant, ils s’aiment entre eux.

Stalagmus. — Les chrétiens s’aimaient tant qu’ils étaient faibles et persécutés. Dès qu’ils deviennent les maîtres, ils se déchirent à cause de leur Jésus.