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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


du surintendant qui les avait tant inquiétées et touchées l’une et l’autre, et pendant lequel elles s’étaient vues souvent et mutuellement consolées. Il s’était ainsi formé entre elles une amitié par réverbération : le mot est de madame de Sévigné[1]. Pomponne, leur ami commun, avait été aussi un trait d’union entre elles. Au commencement de 1665, l’hôtel de Nevers, splendide demeure de madame de Guénégaud, s’était déjà rouvert aux agréables réunions de personnes distinguées et de beaux esprits, qui depuis longtemps étaient habitués à s’y rassembler, à peu près comme à l’hôtel de Rambouillet. Une lettre de Pomponne, datée du 4 février de cette année, a conservé le souvenir intéressant d’une soirée qu’il y avait passée la veille, au retour de son exil. Au milieu d’une nombreuse compagnie, il y trouva madame et mademoiselle de Sévigné, madame de la Fayette et la Rochefoucauld. Boileau y était venu réciter quelques-unes de ses satires, encore inédites, et Racine une partie de sa tragédie d’Alexandre, qui ne fut jouée qu’à la fin de cette même année. Souvent aussi, pendant la belle saison, quand madame de Sévigné et sa fille n’étaient pas aux Rochers, ou quittaient pour quelques jours leur cher Livry, madame du Plessis Guénégaud les recevait dans son château de Fresnes. Là, par un souvenir de l’hôtel de Rambouillet, on prenait des noms empruntés, à la mythologie ou aux romans. Madame du Plessis Guénégaud était l’incomparable Amalthée, comme la marquise de Rambouillet avait été l’incomparable Arthénice. Là on jouait de petites pièces romanesques ou féeriques, les Magies d’Amalthée, sur un théâtre de société, où madame de Sévigné remplissait son rôle avec un talent supérieur, dont elle se souvenait pour s’humilier, quand elle voyait jouer la Champmeslé ; ne se trouvant plus digne alors d’allumer les chandelles. On s’y livrait, dans une grande intimité, à de spirituels enfantillages, que Pomponne rappelle dans ses lettres par des allusions devenues aujourd’hui lettres closes. Par exemple, on y salait mademoiselle de Sévigné[2] ; et ce salement est pour nous un mystère. Il nous semble,

  1. Lettre à madame de Grignan, 10 août 1677.
  2. Lettre de Pomponne à M. et madame du Plessis Guénégaud, 5 juin 1666.