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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


conclure, mais que sa fille ne s’y montra pas très-disposée, et qu’elle-même, se souciant peu d’avoir pour gendre un homme de ce pays lointain, qui lui emmènerait sa fille, eut l’art de rompre ce mariage en faisant naître incidents sur incidents[1]. Un billet de la comtesse de Fiesque à Bussy, écrit le 4 janvier 1668, parle d’un autre mariage dont il fut un moment question pour mademoiselle de Sévigné. Il s’agissait du comte d’Étauges[2], « riche, mais assez sot. » Bussy, qui n’avait jamais trop bonne opinion des femmes, répondit à la comtesse : « Si le futur est aussi sot que vous le dites, je crois que la demoiselle ne lui ôtera pas cette qualité. » Mademoiselle de Sévigné ne fut pas soumise à l’épreuve, qui eût pu convaincre de témérité le jugement de Bussy[3].

Cependant madame de Sévigné, quelque peu pressée qu’elle fût de se séparer de sa fille, commença à trouver, quand elle la vit près d’atteindre sa vingt-troisième année, que son établissement se faisait longtemps attendre. Elle écrivait à Bussy

  1. Lettre à madame de Grignan, 9 août 1670. — « Si je n’eusse pas été, dit-elle, la reine des incidents par la peur que j’avois de conclure, c’en étoit fait. » Toutefois la rupture de ce mariage lui doit-elle être aussi positivement attribuée que ce passage le ferait croire ? Il paraîtrait que les Mérinville lui fournirent au moins un prétexte plausible pour se dégager. C’est ce que l’on voit dans une lettre manuscrite qui se trouve au Recueil Thoisy de la Bibliothèque impériale, tome VIII, et dont nous devons la communication à l’obligeance de M. Rathery ; elle est datée du 20 juillet 1666, non signée, et sans aucune indication de la personne à qui elle est adressée. Celui qui l’a écrite, donne à son correspondant cette nouvelle entre beaucoup d’autres : « Nous avions cru marier mademoiselle de Sévigné à M. de Mérinville. Le père avoit promis de donner vingt mille livres de rente en fonds de terre à son fils. Quand on a été près de conclure, M. d’Alby a dit pour lui qu’en donnant les vingt mille livres de rente, il prétendait prendre les deux cent mille livres qu’on donne à mademoiselle de Sévigné, de sorte que cela est demeuré là. »
  2. Dans une lettre de madame de Sévigné à Bussy, 14 août 1668, les étauges sont nommés à côté des Coligny, parmi la noblesse de Champagne.
  3. Bussy, à la fin de la lettre du 9 juin 1668 à madame de Sévigné, rappelle le sort qu’il avait prédit au comte d’Étauges. — Un manuscrit de la collection Gaignières, cité par M. Lalanne (Correspondance littéraire du 10 novembre 1860) a, sur la rupture de ce même projet de mariage, un quatrain, où l’on paraît simplement avoir mis en rimes, en lui faisant perdre beaucoup de son sel, le passage que nous venons de rapporter de la lettre de Bussy à la comtesse de Fiesque :
    Iris n’épouse point Valère ;
    En voici la cause en un mot :
    C’est qu’il est déjà fort grand sot,
    Et c’est ce qu’elle en vouloit faire.
    Bussy ne serait-il pas l’auteur du quatrain ?