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NOTICE BIOGRAPHIQUE


Sévigné. Nous avons dit qu’il n’était pas beau. Il paraît, par une lettre de madame de Sévigné, que madame de Grignan avait appliqué assez irrévérencieusement à son mari le mot de Guilleragues sur Pellisson, « qu’il abusait de la permission qu’ont les hommes d’être laids[1]. » Madame de Sévigné s’égaye souvent sur le nez des Grignan et sur la touffe ébouriffée qui avait fait donner à son gendre le surnom de Matou. En revanche elle l’appelle « le plus souhaitable mari et le plus divin pour la société[2]. » Il était homme du monde et homme d’esprit, excellent musicien, et avait aussi de plus solides qualités, qui le firent estimer dans les difficiles fonctions qu’il eut à remplir. Il avait été, en 1655, colonel du régiment de Champagne, et, deux ans après, capitaine-lieutenant des chevau-légers de la Reine. Quand il épousa mademoiselle de Sévigné, il était, depuis 1663[3], un des lieutenants généraux en Languedoc. Sa première femme avait été la plus précieuse des filles de l’incomparable Arthénice, Angélique-Clarice d’Angennes, sœur de la célèbre Julie d’Angennes. Cette alliance avec la famille de Rambouillet, qui lui a valu l’honneur de figurer dans le Dictionnaire de Somaize sous le nom du brave Gariman, attestait qu’il avait su se faire apprécier dans la société la plus polie et la plus élégante. On comprend que madame de Sévigné pût dire de lui qu’il savait la langue et le pays, et n’était pas un jobelin. De ce premier mariage, qui s’était fait en 1658 et que la mort avait dissous en 1665, M. de Grignan avait deux filles. La seconde union, qu’il avait contractée, en 1666, avec Angélique du Puy du Fou, avait été de très-courte durée et ne lui avait pas laissé d’enfants.

Madame de Sévigné, qui donnait une très-belle dot à sa fille, avait droit d’être exigeante pour le bien du mari qu’elle lui choisissait. Quoique M. de Grignan ne possédât pas, comme un de ses ancêtres du onzième siècle, vingt lieues de terres, et plus, sur la rive gauche du Rhône, il avait, disait-on, en Pro-

  1. Lettre à madame de Grignan, 22 janvier 1674.
  2. Lettre à Bussy, 4 juin 1669.
  3. Nous trouvons cette date dans un catalogue de papiers appartenant à madame de Simiane, qui est à la Bibliothèque Impériale. Voir aussi l’Histoire générale du Languedoc par dom Vaissette (édition de Toulouse 1846), tome X, p. 157.