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NOTICE BIOGRAPHIQUE


écrivait : « Vous avez beau dire, je m’exposerai à la sécheresse du pays, espérant bien de n’en trouver que là. »

Après avoir mené à Livry la petite Marie-Blanche, qu’elle jugeait sans doute trop jeune encore pour lui faire faire un si pénible voyage, elle se mit enfin en route le 13 juillet 1672, avec ses deux abbés, la Mousse et Coulanges. Dix-sept jours après, elle était dans les bras de sa fille.

Nous avons dit quelques mots du voyage que, pendant son séjour en Provence, elle fit à Lambesc avec le comte der Grignan, et de son excursion à Marseille, où l’évêque Forbin Janson ne se vengea de ses injustices que par la réception la plus magnifique et la plus aimable. Du reste, de ce séjour auprès de sa fille, qui fut de quatorze mois, on ne pourrait faire qu’une histoire probable, ou du moins sans beaucoup de détails ; car il n’est presque rien resté de ce qu’elle écrivit alors à ses amis, et l’on a seulement quelques-unes des réponses qu’elle reçut. Nous apprenons par une de ses lettres à Bussy qu’elle passa l’hiver à Aix avec sa fille, et qu’une couche malheureuse de madame de Grignan lui donna beaucoup d’inquiétudes. D’autres chagrins, comme il arrivait presque toujours quand elle était près de sa fille, se mêlèrent-ils au bonheur dont elle jouit ? Nous ne savons ; ou plutôt nous devons croire qu’il n’en fut rien et n’élever aucun doute sur le satisfecit qu’elle donna à madame de Grignan, dans sa première lettre après l’avoir quittée. « Je ne vous ai point assez dit, lui écrivait-elle, combien je suis contente de votre tendresse. » Si l’on voulait absolument chercher quelque ombre à ce contentement, on remarquerait bien qu’elle lui écrivait quelques jours après : « J’avois toujours espéré de vous ramener ; vous savez par quelles raisons et par quels tons vous m’avez coupé court là-dessus. » Mais sans doute madame de Grignan n’avait eu ces tons-là qu’en cette circonstance.

Madame de Sévigné avait achevé, pendant ce voyage, de conquérir le cœur de toute la famille de son gendre. Outre qu’elle aimait d’être aimée, comme l’a bien dit Bussy, tout ce qui tenait à cette maison lui était cher. Elle revint « toute pétrie des Grignan[1]. »

  1. Lettre du 5 octobre 1673.