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NOTICE BIOGRAPHIQUE


étonnement, lorsqu’on rapproche de l’agréable vivacité et du charmant babil de ses anciennes lettres, ce langage qu’elle parlait alors, élevé, sévère, mélancolique, avec une dignité parfaite. Son talent s’était renouvelé, mais n’avait certes rien perdu.

Les lettres de madame de Coulanges étaient avidement recherchées dans le monde ; elles lui avaient donné une grande célébrité, et n’en étaient pas indignes. Parmi celles qui nous restent il y en a de très-spirituelles, de très-vives, qui ont bien du trait. Ne les comparons pas à celles de madame de Sévigné ; il s’en faut beaucoup qu’il y ait la même force d’imagination et le même art consommé ; mais, dans leur grâce piquante, elles ont souvent un certain tour qui les rappelle. Il semble même que madame de Coulanges, sentant bien l’excellence du modèle, cherchait à l’imiter. Quelquefois elle y réussissait, sans perdre cependant son caractère propre. Elle n’avait pas d’ailleurs le même fonds d’instruction solide que madame de Sévigné. Son esprit s’était sans doute uniquement formé dans le monde. L’orthographe de ses jolies lettres était déplorable, autant que l’écriture en était illisible. Le petit Coulanges en gémissait fréquemment : « Une femme qui a du sens et de la raison, disait-il, peut-elle orthographier de la sorte ? » On peut juger, après cela, si les licences de son orthographe étaient fortes : car elle était d’un temps et d’un monde qui, en cette matière, admettaient beaucoup de libertés.

Puisque nous sommes sur le chapitre des Coulanges, c’est la place de quelques mots de souvenir pour tous ceux de la même famille que madame de Sévigné nous fait connaître dans ses lettres, et qui, sans être dans son amitié à ce premier rang où furent toujours le Bien Bon et le petit Coulanges, y eurent cependant quelque part.

Nous avons eu tout à l’heure à parler de Henriette de Coulanges, marquise de la Trousse, qui, pendant sa longue et dernière maladie, en 1672, reçut de madame de Sévigné des preuves si touchantes d’affection. C’était à elle, on s’en souvient peut-être aussi, que madame de Sévigné avait la précaution de montrer, en 1654, les lettres de Bussy. Elle était alors, depuis seize ans déjà, veuve de François le Hardi, marquis de la Trousse, maréchal des camps et armées du roi. Fille