Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/198

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NOTICE BIOGRAPHIQUE


qu’à la première lecture, la Rochefoucauld et Guilleragues étaient là, dont les suffrages étaient bien entraînants, et qu’à la seconde, Pomponne fut « enchanté, enlevé, transporté par la perfection des vers. » L’ami courageux et fidèle des Arnauld, l’admirateur de Pascal, celui qui mettait les Lettres provinciales au—dessus de tous les ouvrages anciens et modernes, devait certainement demander grâce à ses yeux pour le satirique qui blessait quelques-unes de ses amitiés. Et puis, en présence de madame de Sévigné, Boileau s’attendrissait pour le pauvre Chapelain[1]. Ce fut un sujet sur lequel ils s’expliquèrent chez Gourville. On voit par le récit que fait madame de Sévigné de cet entretien avec Boileau, qu’il y fut aimable pour elle. Il pouvait l’être sans manquer à son ordinaire franchise ; car il avait déjà, dans sa neuvième satire, distingué dans Chapelain, le poëte de l’homme d’honneur. Madame de Sévigné adoucie lui dit qu’il était « tendre en prose et cruel en vers. »

Nous ne nous sommes pas encore arrêté devant la première tablette de la bibliothèque des Rochers, la tablette d’honneur, où sont les livres de dévotion, et de quelle dévotion ! Si quelque révérend père jésuite la vient visiter avec nous, il n’en sera peut-être pas tout à fait content, quoiqu’il y trouve les sermons du P. Bourdaloue. Mais il y verra aussi les Essais de morale de Nicole, les Lettres de M. de Saint-Cyran, recueillies par M. d’Andilly, la Bible de Royaumont, le livre de saint Augustin sur la Prédestination et la persévérance des bons, traduit par M. du Bois, la Fréquente Communion d’Arnauld, le traité de la Prière perpétuelle de Hamon, que sais—je encore ? tous les meilleurs écrits de Port-Royal ; et il n’y avait pas beaucoup à choisir ; car, disait-elle, « il ne vient rien de là que de parfait. » En vérité, voici même un calviniste, mais qui peut être utile à tous les chrétiens, c’est l’auteur de la Vérité de la religion chrétienne, Abbadie[2]. Madame

  1. Lettre à madame de Grignan du 15 décembre 1673.
  2. Qu’on nous pardonne ici de petits anachronismes. L’ouvrage d’Abbadie, qui ne fut publié qu’en 1684, n’était pas en 1680 dans la bibliothèque de madame de Sévigné. Mais il y était en 1687 (lettre du 10 mars). De même, les sermons de Bourdaloue n’étaient pas encore imprimés ; mais madame de Sévigné les avait entendus, on sait avec quelle admiration.