Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


sa sœur en effet avait épousé l’électeur Palatin, père de Charlotte-Élisabeth de Bavière, duchesse d’Orléans. Madame l’aimait beaucoup, et lui donna une grande preuve de son affection, en obtenant pour elle, après la révocation de l’édit de Nantes, d’avoir un ministre à elle et chez elle ; car elle était restée protestante, quoique le prince de Tarente eût abjuré en 1670, deux ans avant sa mort.

La princesse de Tarente habitait en 1675 Château-Madame dans le faubourg de Vitré. Madame de Sévigné avait à Vitré un hôtel, que nous avons eu déjà l’occasion de nommer, et qu’on appelait la Tour de Sévigné. Les Rochers eux-mêmes d’ailleurs étaient dans le voisinage de Vitré, à une lieue et demie de cette petite ville[1]. Les occasions de se voir étaient donc faciles. La princesse de Tarente les rechercha. Ce fut surtout pendant cette année 1675 qu’elle se lia étroitement avec madame de Sévigné. Leur âge était à peu près le même, la princesse étant née en 1625. Quoique Allemande, elle comprenait bien et savait goûter l’esprit français de madame de Sévigné. Elle multipliait ses visites aux Rochers et se plaisait à y faire à son aimable voisine des confidences très-étendues sur les nombreuses tendresses de son cœur de cire. Les deux veuves s’entretenaient surtout beaucoup de leurs filles chéries. La bonne Tarente avait eu la complaisance de prendre un goût très-vif pour madame de Grignan ; et madame de Sévigné de son côté écoutait les romanesques histoires des prétendants de la charmante Charlotte-Amélie de la Trémouille, presque aussi tendrement aimée de sa mère, que madame de Grignan l’était de la sienne. Elle prenait

  1. Les Rochers n’étaient pas seulement dans le voisinage de la demeure et des terres de la princesse de Tarente, ils relevaient de la baronnie de Vitré. Madame de Sévigné reconnaissait les la Trémouille pour ses seigneurs. Quoique nous n’ayons vu dans aucune de ses lettres qu’elle parlât de sa servitude de Vitré, comme elle parle si souvent, en riant, de celle d’Époisses, le fait de cette suzeraineté n’en est pas moins constant. Nous avons cité à la note 6, à la fin de la Notice, un extrait de l’aveu rendu en 1688, par Charles de Sévigné, qui reconnaît tenir du duc de la Trémouille la terre et seigneurie des Rochers. Un aveu avait été également rendu par madame de Sévigné au baron de Vitré, le 6 février 1653, et aussi le 28 février 1667. »