on est la nièce de Madame[1]. » N’oublions pas que Marie-Blanche n’avait pas encore tout à fait dix ans, et l’on parlait
de sa vocation ! Ce n’était pas trop dire que de l’appeler
un peu équivoque ; « commandée et forcée » eussent été les mots
propres. Ce que faisait là madame de Grignan, madame de Sévigné ne l’eût pas fait ; on voit qu’elle le déplorait, mais elle
n’osait pas le condamner assez sévèrement : ce fut son seul tort.
Elle revint à plusieurs reprises sur ce conseil de mettre plutôt à Aubenas cette petite, qui « était, disait-elle, d’un esprit
chagrin et jaloux, tout propre à se dévorer[2]. » Le conseil ne
fut pas suivi : nous ne saurions dire si c’est parce que madame
de Grignan ne fut décidément pas obligée de quitter la Provence.
Marie-Blanche resta à la Visitation d’Aix. Ce fut là qu’elle mourut religieuse en 1735, à l’âge de soixante cinq ans. Une
lettre de madame de Sévigné au président de Moulceau (datée
du jour des Rois 1687) nous apprend que Marie-Blanche y prit
l’habit à seize ans, c’est-à-dire vers la fin de 1686.
La vocation équivoque s’était décidée. Ce fut sans doute encore madame de Sévigné qui la plaignit le plus. Elle écrivait à sa fille, le 1er février 1690 : « La pauvre enfant ! qu’elle est heureuse, elle est contente ! Cela est sans doute ; mais vous m’entendez bien. »
Quoique madame de Sévigné ait eu en tout temps une pensée pour cette pauvre enfant sacrifiée, c’était nécessairement beaucoup moins sur elle, éloignée déjà de sa mère, que sur le petit frère et sur Pauline, qu’elle interrogeait, sans cesse madame de Grignan dans ses lettres de 1677, la priant « de lui parler souvent de ce petit peuple et de l’amusement qu’elle y trouvait[3]. »
Elle donnait pour l’éducation de l’un et de l’autre de fort bons avis. Le petit marquis était bien jeune, il n’avait encore que six ans. Déjà cependant madame de Sévigné voulait qu’il eût un précepteur ; elle ne se rendait pas aux objections qu’on lui faisait sur son âge, parce qu’elle croyait son esprit fort précoce[4]. Madame de Grignan était alors fort inquiète de la timidité que montrait cet enfant. Sa mère la rassurait avec beaucoup de bon sens à ce sujet, lui représentant qu’il ne se-