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NOTICE BIOGRAPHIQUE


écrivait madame de Sévigné, la délicatesse de conscience qui empêchera la signature de M. de Montausier et de sa fille (la duchesse d’Uzès)[1]. » Ne l’avait-elle pas un peu comprise, lorsqu’elle disait quelques mois avant : « Le bon abbé est fort surpris qu’on ne trouve pas de sûreté à la dette que vous avez si bien et si honnêtement mise devant la vôtre : il trouve que M. de Montausier est gouverné par des gens bien rigoureux et bien malintentionnés[2]. » M. de Grignan devait quatre-vingt mille écus à mademoiselle d’Alerac. Il ne pouvait sans doute les payer, et les sûretés qu’il offrait paraissaient à M. de Montausier trop peu solides, pour qu’il ne craignît pas que la famille de Polignac ne se trouvât trompée. Il ne pensait pas que les articles du contrat pussent être honnêtement dressés, tels que les Grignan les voulaient. Voilà du moins quelle explication nous avons cru trouver en rapprochant les différents passages des lettres. La poursuite du vicomte de Polignac fut cependant longue et obstinée ; il paraît avoir été très-épris de mademoiselle d’Alerac. M. de Montausier s’efforçait de faire oublier à celle-ci un mariage dont vraisemblablement la rupture l’affligeait, en lui faisant espérer que son grand bien et celui de sa sœur qu’elle aurait sans doute un jour, puisque cette sœur tournait ses regards vers le cloître, lui procureraient peut-être un mariage avec quelque duc. Mais l’opinion de madame de Sévigné était que l’espoir du bien de la sœur aînée « n’était qu’une vision et une chimère[3]. » Ses vues étaient justes, puisqu’en 1686 mademoiselle de Grignan, comme nous l’avons dit, fit une donation à son père. Cette donation lésait gravement mademoiselle d’Alerac, quoique madame de Sévigné la trouvât encore assez riche pour n’être pas à plaindre[4]. Moins d’un an après le succès de l’habile manœuvre, qui ne dut pas rendre les relations plus faciles entre madame de Grignan et mademoiselle d’Alerac, celle-ci quitta la maison de sa belle-mère, et se retira chez M. de Montausier. Ce fut une éclatante rupture, que madame de Grignan voulut regarder comme un acte de noire ingratitude. « Vous m’avez dit un mot dans une de vos lettres, lui

  1. Lettre du 1er août 1685.
  2. Lettre du 28 juin 1685.
  3. Lettre du 13 décembre 1684.
  4. Lettre du 25 octobre 1686.