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NOTICE BIOGRAPHIQUE


même de ce temps, qui étaient bien souvent les médecins des comédies de Molière, auraient eu cependant le droit de s’égayer. Madame de Sévigné eut d’abord recours à la poudre de sympathie que lui avait donnée sa fille, et à un certain onguent envoyé aussi par elle, et que pour l’amour de celle de qui elle l’avait reçu, elle appelait l’aimable onguent. Il est plaisant de voir combien elle craignait d’offenser par ses doutes la poudre de sympathie, et d’entrer en rébellion contre la médecine de sa fille. Mais après avoir annoncé, avec de grands cris de triomphe, les merveilleux effets de cette chère poudre, il fallut reconnaître qu’elle convenait peut-être mieux à d’autres maux. Il y avait des plaies qui ne se fermaient pas. La boutique de la bonne Tarente fut aussi mise à contribution. Tout ce qu’on essayait tour à tour était toujours souverainement efficace ; mais la guérison d’aujourd’hui se changeait le lendemain en recrudescence du mal. On envoya la malade à Rennes se faire soigner par des pères Esculapes qu’on appelait les Capucins du Louvre. Ils avaient promis que, dès qu’ils auraient vu la jambe, ils la guériraient. Ils employèrent nous ne savons quelle lessive et quels baumes. Mais leur plus infaillible remède, c’étaient de petites herbes qu’ils appliquaient sur les plaies ; on les retirait deux fois par jour toutes mouillées, puis on les enterrait au bout d’une demi-heure ; à mesure qu’elles pourrissaient en terre, elles amollissaient par une sorte de sympathie et faisaient suer la partie malade. La cérémonie de ces petits enterrements agit d’abord avec une puissance admirable. Mais cette puissance, hélas ! dut bientôt céder à la mauvaise volonté de la maladie. Il fallut renoncer aux pères capucins, quoiqu’ils eussent remis sur pied deux femmes mortes, et que la princesse de Tarente, qui s’y connaissait et qui vint juger de leur remède avec un grand emplâtre sur le nez, se déclarât contente de cette thérapeutique et se promît d’en faire usage dans les occasions. Ce fut enfin de cette bonne Tarente que vint le salut, non qu’elle eût trouvé là l’emploi de sa thériaque céleste, mais il y avait une bonne femme qui lui faisait tous ses remèdes, et qui guérissait tout le monde à Vitré ; elle l’introduisit auprès de madame de Sévigné. Cette habile Charlotte enveloppa si bien la jambe de pains de rose trempés dans du lait doux bouilli, et de compressés de vin blanc, qu’elle en refit,