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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


Bourdaloue et du P. Rapin, deux jésuites avec qui elle s’entendait fort bien. Elle trouva au P. Bourdaloue, qui était une de ses vieilles admirations, « un esprit charmant et d’une facilité fort aimable ; » et le P. Rapin, qu’elle connaissait depuis longtemps, lui parut comme toujours, « un bon et honnête homme. » Au mois d’octobre elle était de retour à Paris, et quelques jours après elle partait pour Livry avec sa fille, le petit marquis de Grignan et le bon abbé.

Toutes les fois que madame de Sévigné se retrouve près de sa fille, il faut, nous l’avons déjà remarqué, se résigner à manquer de détails sur sa vie pendant le temps de cette réunion, puisqu’alors se trouve fermée la source la plus abondante de ces détails, qui est sa correspondance avec madame de Grignan. Au temps où nous sommes arrivé, quelques lettres à Bussy et au président de Moulceau ne sauraient beaucoup fournir à notre Notice. Nous savons seulement par ces lettres qu’au printemps de 1686 madame de Sévigné fut souffrante. À quelques vapeurs se joignit une nouvelle atteinte de rhumatisme, qui la fit songer un moment à Vichy ; mais la peine qu’elle avait à se séparer de sa fille fut sans doute ce qui l’y fit renoncer pour cette année ; et elle n’alla prendre les eaux que l’année suivante, à Bourbon. L’âge commençait à se faire sentir avec son triste cortége d’incommodités. Cependant la santé de madame de Sévigné était loin encore d’être sans vigueur. Elle l’appelait toujours sa santé triomphante, malgré ces accidents passagers. Elle n’avait rien perdu de la vivacité de son esprit et de l’aimable jeunesse de son imagination, et Bussy ne lui faisait pas un vain compliment lorsque, répondant en ce temps-là à une plainte qui n’était peut-être pas tout à fait sincère, il lui disait qu’elle n’avait que faire de souhaiter plus de feu qu’elle n’en avait. Elle avait été si longtemps privilégiée pour la conservation de sa beauté, qu’il est probable que toute trace n’en était pas encore effacée. Il n’y avait pas plus de six ans qu’elle racontait, avec une certaine satisfaction, une entrevue aux Carmélites avec mademoiselle d’Épernon, où celle-ci, qui ne l’avait pas vue depuis plus de trente ans, ne l’avait pas trouvée défigurée[1]. Quand on se la

  1. Lettre à madame de Grignan, 5 janvier 1680.