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NOTICE BIOGRAPHIQUE

quatre-vingts[1]. M. de Grignan se vit dans la nécessité d’abandonner d’avance deux ans de ses appointements de lieutenant général ; et l’on n’apercevait pas dans l’avenir comment il sortirait de la voie dangereuse où il était engagé. « On est quelquefois dérangé, écrivait alors madame de Sévigné à sa fille ; mais de s’abîmer et de s’enfoncer à perte de vue, c’est ce qui ne devroit point arriver[2]. » Nous trouvons les plus tristes preuves, à ce moment, de la misère de cette maison[3]. Des marchandes de Paris, pour être payées, venaient jusqu’en Provence relancer madame de Grignan. Elle faisait un tel tableau de sa détresse à sa mère, que celle-ci avait le cœur déchiré de ne point être en état, dans la gêne où elle était elle-même, de disposer de quelque somme pour venir à son secours. Sévigné gémissait aussi de ne pouvoir, dans ces cruels embarras, donner à sa sœur des marques positives de son amitié. Il s’indignait contre les prélats, frères de M. de Grignan, qui avec quarante et cinquante mille livres de revenu ne trouvaient moyen de rien faire pour leurs parents obérés et aimaient mieux perdre leur argent dans les fastueuses constructions du château. Pour lui, il promettait de les réveiller par son exemple, s’il lui arrivait un certain remboursement qu’on lui faisait espérer[4]. Il pouvait avoir raison de penser que le coadjuteur d’Arles et l’évêque de Carcassonne eussent été plus sages de ne point embellir à si grands frais le château de Grignan ; mais leur belle-sœur était-elle obligée elle-même à tout ce luxe merveilleux de meubles qui décorait ce même

  1. Lettre du 4 janvier 1690.
  2. Lettre du 1er février 1690.
  3. Dans le Catalogue des archives de la maison de Grignan, publié par M. Vallet de Viriville, on trouve un exploit signifié, le 27 février 1690, à M. et madame de Grignan, en leur domicile rue Culture-Sainte-Catherine, à la requête d'un sieur Charles Regnier, tailleur d’habits à Paris, pour « comparoir au siége présidial du Châtelet, et se voir condamnés de payer audit Regnier la somme de 6748 livres 10 sols, qui reste due en vertu d’un compte réglé par devant les notaires entre les parties. » Il s’agissait de « fournitures et façons d’habits faites par le sieur Regnier tant pour les seigneur et dame comte et comtesse, et M. de Grignan, leur fils, que pour leur maison, train et équipage, de 1681 à 1687. »
  4. Lettre du 22 janvier 1690.