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NOTICE BIOGRAPHIQUE


reverrait bientôt son amie, elle lui écrivit : « Mon Dieu ! ma chère amie, que je serai aise de vous voir ! vraiment je pleurerai bien[1]. » Elle ne tarda pas en effet à pouvoir l’embrasser. Madame de Sévigné revint à Paris, avec sa fille, M. de Grignan et Pauline, dans les derniers jours de cette année. M. de Grignan, chevalier du Saint-Esprit depuis quatre ans, était venu se faire recevoir le 1er janvier 1692. Le roi l’avait nommé la veille dans l’ordre de Saint—Michel.

Madame de Grignan resta près de sa mère à Paris jusqu’au commencement du printemps de 1694. Pendant ce temps, sur lequel nous avons peu de renseignements pour notre notice, madame de Sévigné perdit son cousin Bussy, qui mourut le 9 avril 1693, et deux mois après la meilleure de ses amies, madame de la Fayette. Madame de Sévigné était arrivée à cet âge où, approchant nous-mêmes du terme, nous voyons le vide se faire autour de nous, et disparaître les uns après les autres ceux qui avaient été la société et l’agrément de notre jeunesse et ceux dont la vieille affection ne se peut plus remplacer. Madame de Lavardin suivit de près madame de la Fayette. Tombée en enfance depuis plus de deux ans, elle mourut le 12 mai 1694. Peu de jours avant, le 4 mai, madame de Sévigné avait quitté Paris et avait été rejoindre en Provence madame de Grignan, qui l’y avait précédée de quelques semaines. À l’âge où elle était, elle devait plus que jamais songer à ne plus vivre loin de sa fille, surtout depuis que la consolation de ses autres amitiés lui manquait. En outre, ce Paris qu’elle ne devait plus revoir était bon à fuir. La misère, la famine et les maladies y rendaient la mortalité effrayante. C’est le temps où Fénelon écrivait cette terrible lettre à Louis XIV, où il lui disait que « la France entière n’était plus qu’un grand hôpital désolé et sans provisions. » Il n’y avait aucune partie de la France dont cette parole fût plus vraie que de la capitale, décimée par de cruelles épidémies.

Madame de Sévigné était partie avec le chevalier de Grignan. Le 14 mai elle arriva à Lyon, où elle se reposa trois jours. Elle s’embarqua sur le Rhône, et le lendemain, sur le bord du fleuve, elle trouva sa fille et M. de Grignan, revenu d’une petite

  1. Lettre du 10 octobre 1691.