Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


parle d’une vieille tante qui formait opposition au payement du prix d’une terre vendue par elle en Bretagne. Il paraît évident que cette vieille tante était la marquise de Sévigné.

Madame de Grignan était morte quelques années avant son frère, dans la terre de Mazargues, aux environs de Marseille, le 16 août 1705. D’après le Journal de Dangeau (21 août 1705), elle succomba, comme sa mère, à la petite vérole[1]. Son fils, au mois d’octobre de l’année précédente, lui avait été enlevé, à Thionville, par la même maladie, étrangement fatale à cette famille. Il était brigadier des armées du roi et s’était fort distingué à la bataille d’Hochstedt, à la seconde sans doute, si funeste à nos armes, et qui fut livrée deux mois avant sa mort, le 13 août 1704. Le marquis de Grignan avait été nommé, en 1700, ambassadeur de France en Lorraine. Depuis sa mort, sa veuve vécut dans la plus sainte retraite. Saint-Simon qui avait été élevé avec lui, et qui était resté son ami, parle de lui comme d’un très-galant homme et qui promettait beaucoup[2]. Il ne fait pas de la mère du marquis un éloge funèbre aussi flatteur. « Madame de Grignan, beauté vieille et précieuse, dit-il, mourut à Marseille, et quoi qu’en ait dit ma-

  1. On lit dans le Journal de Verdun d’octobre 1705 : « La petite vérole et les fatigues que madame de Grignan se donna pour recevoir le comte de Toulouse à Marseille furent les causes secondes de sa mort. » Le comte de Toulouse, revenant de Toulon en 1705, avait visité les ports de la Provence. (Voir Saint-Simon, tome V, p. 55.)
    Le médecin Chambon, qui donna des soins à madame de Grignan pendant sa dernière maladie, dit que « cette dame s’étoit épuisée par la charge et le fardeau des affaires qui regardoient sa maison, dont elle soutenoit tout le poids, et qui avoit le même sort que bien d’autres grandes maisons. » (Traité des métaux et des minéraux, M. Chambon , ci-devant médecin de Jean Sobiesky, 1 vol. in-12, Paris 1714. Voir p. 411.) M. de Saint-Surin, dans une note de sa Notice sur madame de Sévigné, suppose que ce fut madame de Sévigné qui fut soignée, ou, comme le disait l’archevêque d’A. (d’Aix ou d’Arles), tuée par Chambon. Il est certain cependant que celui-ci, dans le livre que nous venons de citer, s’exprime clairement, et que la personne attaquée de la petite vérole, à qui il administra ses remèdes, était, comme il le dit à la page 408, madame de Sévigné, comtesse de Grignan. La Biographie universelle (article Grignan) ne s’y est pas trompée.
  2. Mémoires, tome IV, p. 361.