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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


cette folie ; » mais parlant plus librement à sa fille, elle lui disait : « Si Bussy avait un peu moins parlé de lui et de son héroïne de fille (la marquise de Coligny), le reste étant vrai, on peut le trouver assez bon pour être jeté dans un fond de cabinet, sans en être plus glorieuse. » Laissons donc au fond de ce cabinet, où madame de Sévigné les relègue, ces nobles ancêtres dont elle-même a si fort dépassé la gloire. Car, destinée singulière ! de cette orgueilleuse race de gens d’épée, illustrés sur les champs de bataille et en faveur à la cour des rois, la seule renommée qui ait vraiment survécu est celle d’une femme d’esprit qui a écrit des lettres à sa fille et à ses amis. Laissons un Amé de Rabutin, tué sur le pont de Beauvais en 1472, « vieil chevalier de Bourgogne, qui fut le plus homme de bien, » dit Comines[1] ; un Claude de Rabutin, seigneur d’Épiry, qui tomba glorieusement à Marignan, et qui, avec Bonneval et Châtillon, avait été si avant dans la faveur de Louis XII, qu’on disait d’eux trois :


Épiry, Châtillon, Bonneval
Gouvernent le sang royal[2] ;


Passons-les sous silence, ainsi que plusieurs autres, et pour ne pas reprendre les choses de trop haut, arrivons du moins au grand-père de madame de Sévigné, à Christophe II de Rabutin.

Le nom de Chantal, sous lequel il était connu, et qu’avait porté le premier son père Guy de Rabutin, était celui d’une de leurs baronnies près d’Autun. Chantal, comme on le voit par une lettre de Henri IV à Guy de Rabutin[3], était déjà en 1590 auprès du nouveau roi de France, qui déclarait « l’aimer et faire cas de lui. » Mais de si honorables paroles, qui restent des titres de gloire dans une famille, et que Christophe méritait bien sans doute, étant couvert de blessures reçues en combattant pour la cause de Henri, étaient la seule monnaie dont le Béarnais pût alors payer ses meilleurs serviteurs. Celui-ci faisait donc appel à la libéralité du vieux Guy, pour subvenir aux dépenses du

  1. Comines, liv. III, ch. X. — 2. Histoire généalogique.
  2. Histoire généalogique
  3. Elle est datée de Saint-Denis, 3 novembre 1590.