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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ


les deux Rabutin, et par la conformité de sentiments qui rapprochait deux maisons dévouées à la cause royale. L’épée consacrée au service de Henri IV pouvait contracter alliance avec cette écritoire, dont le président Jeannin disait à Mayenne qu’il en pourrait un jour sortir des boulets.

Le combat de Fontaine-Française fut pour Christophe une occasion de gloire. Il y fut blessé sous les yeux du roi, au témoignage duquel, dit Bussy, il ne contribua pas peu à la victoire. La même année (1595) Henri IV le fit gentilhomme ordinaire de sa chambre.

Les agréments de Jeanne Frémyot, sa tendresse, ses vertus, lui attachèrent fortement le cœur d’un mari, dont la vie jusque-là avait été légère et les galanteries nombreuses. « L’humeur de Christophe, dit Bussy, était fort douce ; » mais cette douceur ne devait pas toujours laisser Jeanne Frémyot sans inquiétude pour un mari si tendrement aimé ; car elle avait ses inconvénients, et l’engagea successivement dans dix-huit combats singuliers. Il était contraint de « désabuser à grands coups d’épée » ceux qui interprétaient mal sa mansuétude[1]. Chantal n’échappa au péril de toutes ces rencontres que pour mourir à trente-sept ans dans une chasse, où un coup d’arquebuse tiré par le seigneur de Chaselle, son parent et son ami, le frappa au ventre, en l’année 1600. Il laissait quatre enfants en bas âge, un garçon et trois filles.

Dix ans plus tard, en 1610, sa veuve partait pour Annecy, où elle allait, sous la conduite de François de Sales, commencer l’établissement de l’ordre de la Visitation de Sainte-Marie. Depuis six années l’évêque de Genève s’était emparé de cette âme, qu’il attirait doucement à la vie religieuse par une pieuse séduction, plus forte que l’amour maternel. Le fils de madame de Chantal, Celse-Bénigne de Rabutin, né en 1596, avait alors quatorze ans. Lorsque sa mère voulut quitter la maison où elle laissait sa jeune famille, il se coucha sur le seuil de la porte pour lui barrer le chemin. Il fallut passer malgré les cris et les supplications de l’enfant. Quel combat l’amour maternel et l’amour de Dieu durent se livrer ce jour-là dans le cœur de madame de Chantal ! Que Dieu lui-même soit ici

  1. Histoire généalogique.