Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 365 —

1649

13. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À LENET[1].

(Paris) ce 14e mars.
Monsieur,

C’est pour vous remettre bien avec moi qu’après m’avoir refusé du blé en général[2], vous m’envoyez des douceurs en particulier. Pour vous dire la vérité, ce n’est pas sans raison que vous vous servez de cette finesse pour me l’apaiser ; car le bruit qui couroit ici, que vous passiez la main habilement par-dessus le boisseau pour empêcher que la mesure ne fût comble, m’avoit donné une telle rage contre vous, que je ne mettois guère de différence de votre cruauté à celle d’un Polonois ; mais aujourd’hui, par votre soin, vous m’avez absolument gagnée, et mes sentiments sont tellement changés, que la plus grande joie que j’espère de la paix, sera votre retour, et le plaisir de vous entretenir, et tourner en ridicule ce qui le mérite de part et d’autre.

Si M. de S.[3] étoit ici, il vous rendroit grâce, comme moi, des offres que vous lui faites, mais notre ami Bussy vous pourra dire où il est depuis deux mois. Contentez-vous donc de mes seules reconnoissances, et de la protestation que je vous fais de vous honorer plus que tous les hommes du monde. Il est impossible d’avoir eu l’honneur de vous voir sans avoir pour vous une estime tout[4] extraordinaire, et puisque souvent nous avons pensé

  1. Lettre 13 (revue sur l’autographe). — i. Sur Lenet, voyez la note 1 de la lettre 4. Il dit dans ses Mémoires que la Reine « le choisit pour l’un des intendants de justice, police et finance au siège de Paris. »
  2. Durant le blocus. « Le Roi, dit Bussy dans ses Mémoires (tome I, p. 182), vouloit affamer Paris. »
  3. M. de Sévigné ; il avait accompagné le duc de Longueville en Normandie. Voyez la Notice, p. 43.
  4. Voyez la note 2 de la lettre I.