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1657

J’ai gagné huit cents louis d’or depuis quatre ou cinq jours. Si je n’en gagne pas davantage, c’est que l’on appréhende ma fortune : je ne trouve plus de gens qui veuillent jouer contre moi.

Voulez-vous savoir la vie que nous faisons, Madame ? Je m’en vais vous la dire. Quand l’armée marche, nous travaillons comme des chiens ; quand elle séjourne, il n’y a pas de fainéantise égale à la nôtre. Nous poussons toujours les affaires aux extrémités. On ne ferme pas l’œil trois ou quatre jours durant, ou bien on est trois ou quatre jours sans sortir du lit ; on fait bonne chère, ou l’on meurt de faim.

Les ennemis sont campés entre Béthune et la Bassée, attendant tranquillement la prise de Montmédy, qu’ils n’ont pas jugé d’assez grande conséquence pour hasarder un combat en voulant le secourir. Adieu, ma belle cousine.


44. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MÉNAGE.

Vous me dites des choses si obligeantes de l’estime que vous avez donnée de moi à M. Servien[1], qu’encore que de moi j’y aie peu contribué, et que je craigne même de la détruire si j’ai jamais l’honneur de le voir, je ne laisse pourtant pas d’en sentir une certaine gloire, que toute autre personne ne m’auroit pu donner ; et je ne sais si je ne serois point obligée, pour reconnoître en
  1. Lettre 44 (revue sur l’autographe). — i. Abel Servien, après avoir été chargé de plusieurs négociations importantes, fut nommé, au commencement de 1653, surintendant des finances conjointement avec Foucquet. — On a placé ce billet, un peu au hasard, vers l’année 1658. La seule chose certaine, c’est qu’il est antérieur à la mort de Servien, qui arriva le 17 février 1659. Les deux billets suivants sont encore plus difficiles à dater.