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M.  le chancelier en a fait reproche, et dit que ce n’étoit point la coutume, et au conseiller breton[1] : « C’est à cause que vous êtes de Bretagne que vous saluez si bas M.  Foucquet. » En repassant par l’Arsenal, à pied pour le promener, il a demandé quels ouvriers il voyoit : on lui a dit que c’étoient des gens qui travailloient à un bassin de fontaine. Il y est allé, et en a dit son avis, et puis s’est tourné en riant vers Artagnan[2], et lui a dit : « N’admirez-vous point de quoi je me mêle ? Mais c’est que j’ai été autrefois assez habile sur ces sortes de choses-là. » Ceux qui aiment M.  Foucquet trouvent cette tranquillité admirable, je suis de ce nombre. Les autres disent que c’est une affectation : voilà le monde. Mme  Foucquet la mère[3] a donné un emplâtre à la Reine, qui l’a guérie de ses convulsions, qui étoient à proprement parler des vapeurs. La plupart, suivant leur désir, se vont imaginant que la Reine prendra cette occasion pour demander au Roi la grâce de ce pauvre prisonnier ; mais pour moi qui entends un peu parler des tendresses de ce pays-là, je n’en crois rien du tout. Ce qui est admirable, c’est le bruit que tout le monde fait de cet emplâtre, disant que c’est une sainte que Mme  Foucquet, et qu’elle peut faire des miracles.
  1. Au lieu des mots « et au conseiller breton, » il s’était introduit ici, dans la première édition de 1756, une faute étrange qui a été répétée depuis par tous les éditeurs : « étant conseiller breton, » ce qui dans cette phrase n’a aucun sens. Le texte a été rectifié d’après la copie Amelot et la copie de Troyes, qui ont toutes deux « et au conseiller breton. » — Le Breton dont il s’agit est Héraut ou Hérault, conseiller au parlement de Rennes. Le reproche que lui adresse le chancelier est aussi rapporté dans le Journal de d’Ormesson.
  2. Charles de Batz, qui prit le nom d’Artagnan, du chef de sa mère Françoise de Montesquiou Artagnan. C’était lui qui, comme capitaine des mousquetaires, avait arrêté Foucquet.
  3. Marie de Maupeou, née en 1590, veuve en 1640 de François