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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


croire cependant qu’elles ne tenaient pas autant de place dans ses lectures spirituelles que les livres de ces messieurs ; car elle ne fait nulle part allusion à ces lettres, si ce n’est pour leur emprunter une formule que nous y avons en effet plusieurs fois rencontrée : « Je vous embrasse très cordialement. » — « C’est, dit-elle, un mot de ma grand-mère[1]. »

Après la mort de madame de Coulanges, Marie de Chantal resta sous la garde d’un vieillard de soixante-treize ans. Cet appui même lui manqua bientôt. Philippe de Coulanges mourut deux ans après sa femme, le 5 décembre 1636, dans la maison de Paris où il l’avait perdue. Pendant sa courte tutelle, nous ne croyons pas que les soins maternels, si nécessaires à la jeune orpheline, lui aient manqué entièrement. Une autre dame de Coulanges, une belle-fille de l’aïeule de madame de Sévigné, Marie le Fèvre d’Ormesson, femme de Philippe de la Tour de Coulanges, paraît s’être alors occupée de Marie de Chantal. Elle avait elle-même un jeune enfant, né le 23 août 1633, qu’elle élevait dans le même temps à Sucy, et que madame de Sévigné, plus âgée que lui de huit ans, se souvint toujours d’avoir pris en amitié dans cette première enfance. C’était Emmanuel de Coulanges, ce petit homme si bon vivant, si frivole, si enfant toute sa vie, et dont sa cousine a tant vanté l’amabilité, l’esprit et les chansons. Pour les chansons, c’est un peu trop de complaisance. Mais comment voir une faute de goût, où il n’y a que l’illusion du cœur, et, comme elle-même le dit, « une amitié si bien conditionnée ? » Rien est-il pareil à ces affections qui commencent avec la vie ? Aussi avec quelle grâce madame de Sévigné disait-elle à son cousin, bien longtemps après, et lorsque déjà près de soixante ans les séparaient des souvenirs de Sucy : « Le moyen que vous ne n’aimiez pas ? C’est la première chose que vous avez faite, quand vous avez commencé d’ouvrir les yeux, et c’est moi aussi qui ai commencé la mode de vous aimer[2]. »

Il est évident que la mère du petit Emmanuel, et non Marie de Bèze, grand-mère de madame de Sévigné, est désignée par madame de la Guette, dans le passage de ses Mémoires où elle dit que « madame de Coulanges avait auprès d’elle, à Sucy,

  1. Lettre du 3 juillet 1680.
  2. Lettre du 26 avril 1695.