Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/579

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1669 moins terrible, et qu’on s’en servoit moins communément, pour expliquer des choses extraordinaires. Cela sent bien le fagot, c’étoit à dire, cela sent bien son homme qui auroit été amoureux de moi si je l’avois laissé faire, et qui le seroit encore pour peu que je l’en priasse. Et tout cela, bon Dieu, peut-il être autre chose qu’un jeu ? Cependant vous me rassurez en me disant qu’il est aisé de me tirer de peine là-dessus. Vous trouvez que je vous dis des injures ; vous trouvez qu’un cousin qui aimeroit sa cousine ne mériteroit pas d’être brûlé ; vous trouvez que je suis entêtée de Grignan ; vous tenez votre gravité. Comte, est-ce vous, encore une fois ? Gardez ma lettre, je vous prie ; relisez-la, démontez votre sérieux, représentez-vous combien nous aurions ri de tout cela ; mais ce n’est plus vous. J’étois vive et gaie en écrivant ma lettre, et je ne doutois point qu’elle ne vous divertît dans votre solitude, puisqu’elle me réjouissoit ici ; j’y attendois une réponse encore plus enjouée, s’il se pouvoit, et je vous jure que j’ai cru, en lisant votre lettre, que je ne lisois ou que je n’entendois pas bien. Nous avions trouvé quelque chose de plaisant à renverser tout l’ordre gothique des familles, et à vous faire écrire un compliment le premier. Je vous jure qu’il y avoit ici une lettre tout écrite que nous n’avons pas voulu envoyer. Nous n’avons point fait tant de façon pour tous nos parents de Bretagne : ils ont reçu des lettres de noces. On vouloit badiner avec vous, et vous en êtes à cent lieues loin. Est-ce vous, Comte, qui n’avez point aimé ma dernière lettre ? est-ce vous qui m’y avez répondu ce que voilà ? N’espérez pas que je vous parle d’autre chose que de ma lettre : je garderai la vôtre, et j’espère que quelque jour vous reviendrez dans ce bon sens qui étoit si agréable et si droit. Non-seulement je n’ai pas reconnu mon sang dans votre style, mais je n’y ai pas reconnu le vôtre. Si