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NOTICE BIOGRAPHIQUE


de froideur, dans le parti de Condé. Le point d’honneur, non l’attachement à la cause d’un prince qu’il regardait comme ingrat, l’avait décidé à répondre à l’appel qui lui avait été fait. Il était donc au milieu des ennemis de Mazarin dans le temps de la courte réconciliation de l’ancienne Fronde avec ce ministre. Tels étaient les fréquents chassés croisés de cette époque où le vent changeant des intérêts déplaçait les alliances ; telles étaient les risibles vicissitudes qui faisaient dire à Loret, sinon avec poésie, du moins avec vérité :


Le ministère, en maint rencontre,
Voit pour lui ceux qui tenaient contre,
Et, par un étrange retour,
Contre lui ceux qui tenaient pour[1].


Bussy, exprimant lui-même très bien les singuliers effets de cette mobilité de la scène politique, écrivait à madame de Sévigné : « Quand je songe que nous sommes encore aujourd’hui dans des partis différents, quoique nous en ayons changé, il me semble que nous jouons aux barres. » Il ajoutait : « Cependant votre parti est toujours le meilleur ; car vous ne sortez point de Paris. » En effet, dans ce même mois de juillet 1650, dont est datée la lettre de Bussy, la Muse historique atteste la présence à Paris de Sévigné et de sa femme. C’est alors que, suivant cette gazette rimée, le prince d’Harcourt aurait, comme nous l’avons vu, fermé sa porte à madame de Sévigné ; c’est alors aussi que Sévigné, de bande frondeuse, donnait, en revenant du cours, une belle collation à la duchesse de Chevreuse[2]. Le festin fut gai et bruyant. M. et madame de Sévigné y avaient réuni toutes ces jolies héroïnes de la Fronde qui étaient leurs amies, et les galants seigneurs engagés dans le service de ces belles.

Madame de Sévigné ne tarda pas beaucoup cependant à s’éloigner de Paris. Son mari aimait assez pour elle le séjour des Rochers, où il faisait état, dit Conrart, de la laisser longtemps. C’était bien moins par jalousie sans doute qu’il agissait ainsi, qu’afin de jouir lui-même de plus de liberté. Après avoir mené

  1. Muse historique, tome I , p. 243.
  2. Muse historique du 16 juillet 1650, tome I, p. 27.