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NOTICE BIOGRAPHIQUE


licate ; et, sans en avoir l’air, elle en détournait doucement la pointe.

Elle passa les premiers temps de son deuil dans sa solitude des Rochers. L’abbé de Coulanges était près d’elle. Il s’occupa de remettre l’ordre dans ses affaires, que l’inconduite du marquis avait laissées en fort mauvais état. « Il m’a tiré, dit-elle quelque part, de l’abîme où j’étois à la mort de M. de Sévigné[1]. »

Elle avait, depuis cette mort, vécu neuf mois retirée en Bretagne, lorsque, vers le milieu de novembre 1651, elle revint à Paris[2]. Elle n’allait pas tarder à reparaître dans le monde. Ce monde où, du vivant de son mari, elle avait déjà tant brillé, s’empressa, quand son deuil fut fini, en 1652, de la convier de nouveau à ses réunions et à ses fêtes. Comme il fut surtout l’école où se forma le talent de madame de Sévigné, il serait intéressant de l’y pouvoir suivre et d’entrer avec elle dans tous les cercles qu’elle a le plus fréquentés. Mais ils furent sans doute très-nombreux. En nommer quelques-uns aura toujours quelque chose d’arbitraire, de conjectural, et exposera ceux qui le tenteront, non-seulement à beaucoup d’omissions, mais aussi à quelques anachronismes. Il ne semble pas cependant que dans cette année 1652, si pleine, à Paris, de violentes agitations qui n’empêchaient pas les plaisirs, on risque beaucoup de se tromper en la voyant chez la grande Mademoiselle, dans ces Tuileries, théâtre alors de tant de divertissements ; ou bien encore chez la comtesse de Fiesque, chez la duchesse de Châtillon, fille de Bouteville, cet ami de Bénigne de Rabutin ; chez la duchesse de Chevreuse, en un mot dans toute la société de la Fronde ; quelquefois probablement dans la maison frondeuse aussi de Scarron[3], où la jeune femme du spirituel et joyeux cul-de-jatte présidait avec tant de goût à ces agréables réunions « de gens d’esprit, de gens de la cour et de la ville, de tout ce qu’il y avoit de meilleur et de plus distingué[4]; » chez

  1. Lettre à Bussy, du 2 septembre 1687.
  2. Muse historique de Loret, tome I, p. 179.
  3. La Beaumelle , Mémoires pour servir à l’histoire de madame de Maintenon, liv. II, ch. vii.
  4. Mémoires de Saint-Simon, tome XIII, p. 8.