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1691
* 1315 — De Coulanges à Lamoignon.
A Rome, ce 30e janvier 1691.

Voilà donc notre saint-père qui tire pays, et qui laisse à son successeur l’honneur de nous donner des bulles : la cangrène[1]est à sa jambe, et une bonne fluxion lui est tombée cette nuit sur la poitrine[2]. Envoyez-nous vitement tous Messieurs les cardinaux[3], et bonne compagnie pour nous consoler de voir notre retour aux calendes grecques. Si M. de Chaulnes a eu meilleure opinion du pape mourant qu’il ne méritoit, au moins ne l’a-t-il pas gardée longtemps, et M. le cardinal de Fourbin ne doit pas se plaindre de son pontificat. Dieu veuille que les tré-

Lettre 1315 (revue sur l'autographe).
  1. C’est ainsi que le mot est écrit dans l’original.
  2. Alexandre VIII mourut le 1er février, sur les six heures du soir : voyez la Gazette du 17 et celle du 24 Février 1691. « Trois jours avant sa mort, dit Coulanges (Mémoires, p. 230 et 231),... il convoqua dans sa chambre une assemblée de douze des plus anciens cardinaux .... et après qu’ils se furent assis, lui étant dans son lit, habillé de ses habits pontificaux, avant de faire lire la constitution qu’il avoit méditée depuis longtemps, et dont il vouloit leur faire part, pour marquer son improbation sur ce qui s’étoit passé dans l’assemblée du clergé de France, tenue en 1682, il fit un assez long discours en latin, qu’il commença par ces paroles : Deficiunt vires, sed non deficit animus. Il parla avec toute la majesté d’un grand pape, la fermeté d’un jeune homme, et l’éloquence d’un habile Vénitien, pour leur faire connoître qu’il ne pouvoit résister plus longtemps au scrupule que lui causoit le silence qu’il avoit gardé jusqu’alors, dans l’espérance dont il s’étoit flatté de voir rétablir toutes choses en France sur le pied où elles étoient avant le pontificat de son prédécesseur, et avant cette assemblée du clergé ; mais qu’en étant frustré, il se croyoit obligé, en conscience, de faire, avant de mourir, une constitution qui marquât à quel point il improuvoit ce qui s’étoit passé. »
  3. La Gazette du 24 février annonce que « le cardinal de Bouillon et le cardinal d’Estrées sont partis pour se rendre en Provence, où le cardinal de Bonzi et le cardinal le Camus doivent se trouver, pour s’embarquer ensemble et se rendre à Rome. »