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que si vous avez la cour pour vous, j’ai pour moi la simplicité et la sincérité de l’amitié. Vous me deviez plus tôt une relation de votre voyage, et entrepris et commencé sous les auspices les plus glacés et les plus effrayants. Vous voilà donc arrivé en bonne santé : il falloit me le dire, et me tirer de la véritable inquiétude où j’ai été pour vous, et dont pourtant M. de Bandol eut la bonté de me tirer ; car, ne vous en déplaise, vous lui avez donné toutes les préférences. Mais, Monsieur, d’où datez-vous votre lettre et quel souvenir réveillez-vous en moi ? Si vous n’étiez pas bien sûr d’être toujours bien reçu, il est certain que vous auriez trouvé un excellent moyen d’y parvenir. Je n’ai pu résister au desir de remercier moi-même Monsieur le Comte[1] de son précieux souve- nir : la joie est babillarde ; la mienne a été excessive en apprenant que ce prince, pour lequel j’ai tant de respect et d’attachement, ne m’avoit point oubliée; faites-moi l’amitié de lui donner cette lettre, et vous lui donnerez le prix qu’elle n’a point.

Il court un bruit que vous ne reviendrez pas sitôt, Monsieur et que deviendra Belombre[2] ? Je n’ai point encore été à Marseille ; l’ennui y augmente au point de

  1. 2. Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, -fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, grand amiral de France, père du duo de Penthièvre (1678-1737).
  2. 3. Bastide de Mme de Simiane dans la banlieue de Marseille, à l’extrémité du village de Saint-Giniez, et sur les bords de la petite rivière de l’Huveaune, qui se jette dans la mer à quelques kilomètres de là. Ce n’est qu’en 1717 que la petite-fille de Mme de Sévigné avait acheté Belombre de l’illustre évêque de Belzunce. Après Mme de Simiane, cette propriété fut acquise par M. de Malijai, resta assez longtemps dans cette famille, qui habite encore Marseille, et passa depuis en diverses mains: elle appartient aujourd’hui à M. Negreponte, négociant grec. La maison n’offre rien d’intéressant, mais les beaux arbres qui l’entourent et lui ont valu son nom, et les statues du jardin, maltraitées parle temps, reportent encore à l’époque de Mme de Simiane.