Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 11.djvu/189

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mais il faut me sevrer tout doucement. Or pour entretenir commerce, parlons un peu de M. Brunel. Je reçois dans le moment une lettre de M. Lainé qui m’effraye. Vous saurez que Brunel a emporté un panneau tout préparé à faire un trophée, qui est la seule pièce qui manque à mon salon, au midi. II avoit le dessin de M. Lainé avec les autres ; il étoit pressé de revoir ses foyers ; il me promit de travailler le morceau chez lui, et que je l’aurois sans faute le quinze de ce mois ; et le quatorze, qui est aujourd’hui, M. Lainé me mande qu’il travaille au dessin de ce trophée, qui sera, dit-il, très-riche. Cette parole me fait trembler, car je vous dirai tout naturellement que s’il y a un défaut dans ma maison, c’est que tous ses ouvrages sont trop chargés. S’ils vont faire encore un trophée travaillé hors de mesure, cela sera ridicule, ne se rapportera point aux pilastres, qui sont bien. Au nom de Dieu, envoyez chercher Brunel, et dites-lui que je suis très-fàchée contre lui qu’il n’avoit que faire d’employer davantage M. Lainé (il avoit son dessin), et qu’absolument je ne veux point de cette richesse. Qu’il fasse comme il avoit commencé, et s’il retarde cet envoi, je lui déclare que je m’en vais faire finir ici ce trophée par Routier, et ne prendrai point le sien tout de même, s’il est trop riche. J’ai été obligée de refaire un bas-relief sous le portrait de mon père, où il a mis un casque si saillant qu’il en est défectueux.

Je vous conjure, mon cher Marquis, de ralentir le génie de M. Lainé, et l’exécution de M. Brunel, et de faire finir ce morceau avec moins de fracas car encore une fois, ceci devient ridicule, et réellement ce seroit double dépense pour moi ; car sûrement je ne souffrirai pas cette richesse de sculpture dans un morceau qui doit assortir tout le reste. Et il est bien triste, quand on attend un ouvrage après avoir déjà tant attendu, d’entendre dire que