Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 11.djvu/559

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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. 47$

d’éducation, elles laissent tous les hommes bien loin derrière elles les savants même et les beaux esprits, auteurs ou non, n’en approchent pas. On trouve dans le recueil des lettres de Mme de Sévigné une naïveté qui charme; c’est une imagination brillante et fertile, qui produit sans effort elle n’écrit que comme parle une personne du grand monde et de beaucoup d’esprit de sorte que lorsque vous voyez ses lettres vous croyez qu’elle parle; vous ne la lisez point, vous l’entendez.

Cette affection extrême, cette tendresse extraordinairepour sa fille, Mme de Grignan, qui est répandue dans toutes ses lettres, ne surprendra que ceux qui n’ont jamais connu Mme de Sévigné. Elle portoit la sensibilité maternelle jusqu’à l’excès elleadoroit sa fille, elle l’aimoit d’une amitié parfaite, dont la vivacité et la délicatesse, si l’on en juge par ses expressions, surpassoient tous les sentiments de l’amour. Elle étoit sur ce pied-là dans le monde, chacun la connoissoit mère tendre et idolâtre, et ce caractère alloit jusqu’à une singularité, qui néanmoins ne lui donnoit aucun ridicule elle étoit la première à trouver de la foiblesse dans ses sentiments, elle se railloitquelquefois elle-même sur cet article, et tout cela ne servoitqu’à la faire aimer, parce qu’elle donnoit lieu par là à des railleries innocentes, et même obligeantes, auxquelles elle répondoit toujours avec esprit et avec un air aimable.

Plusieurs particularités de la cour de son temps se trouvent ici, et n’auront aucune obscurité pour les personnes du grand monde. On y voit des portraits avaritageux de gens qui vivent encore, et qui étoient alors dans la fleur de l’âge. Mme de Sévigné mande tout à sa fille, le bien et le mal. Elle médit quelquefois, mais elle ne médit point en médisante ce sont des choses plaisantes et ridicules dont elle fait part à Mme de Grignan, pour égayer ses lettres. Ce ne sont même jamais des choses essentielles. Ces lettres contiennent, outre cela, des maximes et des réflexions admirables. Rien n’est donc plus capable de former l’esprit des jeunes gens qui sont destinés au grand monde.

On n’écrit plus aujourd’hui comme Voiture. Ses lettres ont un tour qui s’éloigne du discours ordinaire. Ce sont des ouvrages d’esprit dans les formes, et comme de commandé il n’est pas naturel d’en avoir tant lorsqu’on écrit sans travail, sans étude, en un mot sans vouloir paroitre avoir de l’esprit. Pour les lettres de Balzac, il n’en faut point parler. Les meilleures lettres que nous ayons eues jusqu’ici sont sans contredit celles de Bussy Rabutin. Mais dans le recueil qu’on a donné de ses lettres, celles de Mme de Sévigné qui s’y trouvent les effacent, au sentiment de toutes les personnes de bon goût.