Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 11.djvu/568

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482 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.

autorisé à supprimer quelques détails1 ou purement domestiques ou peu intéressants pour le public; mais pouvois-je me servir du même droit à l’égard des sentiments de l’amour maternel? Je les ai regardés comme ce qui constitue le fond dit caractère de Mme de Sévigné, et il m’a paru que les tours nobles, délicats et variés, dont elle use pour exprimer sa tendresse, ne lui sont pas moins propres que sa tendresse même. Il est vrai cependant qu’on ne revient qu’avec peine de la surprise où jette cette espèce de singularité; mais des sentiments si peu ordinaires n’en sont pas moins pris dans la nature; et si l’on conçoit difficilement les traits d’unepareille sympathie, n’est-ce pointaussi un des effets de la corruption du cœur humain, de n’aimer l’excès de la sensibilité que dans la plus folle de toutes les passions? Les seules réflexions qu’on trouvera ici sur le style de Mme de Sévigné, j’ai cru devoir les emprunter d’elle-même. « Est-il possible, dit-elle*, que mes lettres vous soient agréables au point que vous me le dites? Je ne les sens point telles en sortant de mes mains, je crois qu’elles le deviennent en passant par les vôtres enfin, c’est un grand bonheur que vous les aimiez; vous en êtes accablée de manière que vous seriez fort à plaindre, si cela étoit autrement3. M. de Coulanges est bien en peine de savoir laquelle de vos Madames y prend goût nous trouvons que c’est un bon signe pour elle; car mon style est si négligé, qu’il faut avoir un esprit naturel et du monde pour pouvoir s’en accommoder. »

Elle dit ailleurs « Vous savez que je n’ai qu’un trait de plume, ainsi mes lettres sont fort négligées mais c’est mon style, et peutêtre qu’il fera autant d’effet qu’un autre plus ajusté. Mes lettres sont écrites d’un trait vous savez que je ne reprends guère que pour faire plus mal. Si vous trouvez mille fautes dans cette lettre, excusez-les, car le moyen de la relire’? »

Ce n’est donc qu’en lisant les lettres dont il s’agit qu’on pourra se former une idée bien juste des véritables beautés d’un style qui ne sera jamais représenté qu’imparfaitement, et qui est regardé avec raison comme le modèle du genre épistolaire.

1. Après avoir rétabli l’ordre naturel de ces lettres, je me suis attaché à comparer les copies avec les originaux, et à supprimer quelques détails, etc. » (Édition de 1734.)

2. "Voyez la lettre du 23 décembre 1671, p. 41, tome Il. (JSote de Perrin.) 3. Le texte que Perrin cite de ce passage en 1734 est ici un peu différent « car de la manière dont vous en êtes accablée, vous seriez fort à plaindre, si cela étoit autrement. » Et un peu plus loin « qu’il faut avoir l’esprit turel et du monde, etc. »

4. La plupart des flettres de Mme de Sévigné étoient si longues^ qu’elle n’avoit guère le temps de ie’s relire. {Note de’}Perriit.)