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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. 489

dommages ? La justesse des pensées, la variété des tours, la noblesse de la diction, les grâces du style, tout cela s’y trouve réuni au plus haut degré. D’ailleurs, que de particularités intéressantes 1 que d’anecdotes curieuses! que de réflexions que d’instructions utiles! quelles plaisanteries fines quelles applications ingénieuses! quel goût enfin, et quelle précision dans les jugements que Mme de Sévigné porte de ses lectures !

Les gens du monde y trouveront une conversation d’un tour noble, fin, enjoué ; des narrations vives, des expressions de génie, des traits d’éloquence, et partout des beautés qui naissent du sein de la chose même. Nulle affectation, nul art apparent, nuls faux brillants de sorte que tout l’esprit qui est répandu dans ces lettres, se confond si bien avec une imagination riante, ou avec un sentiment délicat, que ce n’est jamais que le plus beau naturel qui se laisse apercevoir.

Dois-je craindre de trouver des contradicteurs en assurant que les gens de lettres, et même les savants, feront leurs délices de cette lecture? Quand les ouvrages d’agrément sont parvenus au point de la perfection, on sait le rang qu’ils tiennent parmi les livres originaux et je n’hésite point à dire que les lettres de Mme de Sévigné passeront à la postérité, comme le modèle le plus achevé du style épistolaire, puisque j’ai pour garants deux savants du premier ordre, dont l’un a dit que « Mme de Sévigné méritoit une place parmi les femmes illustres de son siècle » et l’autre, au sujet du Recueil de ses lettres à sa fille, déclare 2 « qu’il en est un admirateur des plus zélés qu’à son gré c’est en ce genre un chef-d’œuvre, auquel ni les anciens ni les autres nations n’ont rien à opposer. »

Je me dois croire encore autorisé à dire que les personnes de piété seront charmées de lire des lettres dont la plupart méritent qu’on les regarde comme différents traités de morale chrétienne, d’autant plus utiles qu’ils ne sont point annoncés sur ce pied-là, et que la vertu mise en action s’y trouve parée de tout ce qui peut la rendre aimable. Les maximes les plus pures de la religion y sont très-souvent développées, et les grandes vérités y seroient approfondies en certains endroits, sans l’extrême retenue qui oblige quelquefois Mme de Sévigné à’se taire sur des matières si relevées. Voici, 1. Voyez les Lettres de Bayle, p. 652, Rotterdam, 1714, 3 vol. in-ia, ou en parlant des lettres insérées parmi celles du comte de Bussy, il donne la préférence aux lettres de Mme de Sévigné sur celles de M. de Bussy. (Note de Perrin.)

a. Ces paroles sont extraites d’une lettre que feu M. le président Bouhier (dans l’édition de 1737 « M. le P. B. » ) me fit l’honneur de m’écrire le 22 juin 1734. (Note du même.)