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grosse[1], je vous en réponds ; cela doit augmenter ses soins.

Je vous remercie de vous habiller ; vous souvient-il combien vous nous avez fatigués avec ce méchant manteau noir ? Cette négligence étoit d’une honnête femme ; M. de Grignan vous en peut remercier, mais elle étoit bien ennuyeuse pour les spectateurs[2]. C’est une belle chose, ce me semble, que d’avoir fait brûler les tours blonds et retailler les mouchoirs. Pour les jupes courtes, vous aurez quelque peine à les rallonger. Cette mode vient jusques à nous ; nos demoiselles de Vitré, dont l’une s’appelle, de bonne foi[3], Mlle de Croque-Oison, et l’autre Mlle de Kerborgne, les portent au-dessus de la cheville du pied. Ces noms me réjouissent : j’appelle la Plessis Mlle de Kerlouche. Pour vous qui êtes une reine, vous donnerez assurément le bon air à votre Provence ; pour moi, je ne puis rien faire que de m’en réjouir ici.

Ce que vous me mandez sur ce que vous êtes pour les honneurs est extrêmement plaisant.

J’ai vu avec beaucoup de plaisir ce que vous écrivez à notre abbé ; nous ne pouvons, avec de telles nouvelles, nous ôter tout à fait l’espérance de votre retour. Quand j’irai en Provence, je vous tenterai de revenir avec moi, et chez moi : vous serez lasse d’être honorée ; vous reprendrez goût à d’autres sortes d’honneurs et de louanges et d’admiration : vous n’y perdrez rien, il ne

  1. La prédiction de Mme de Sévigné s’accomplit. Mme de Grignan accoucha, au mois de novembre suivant, du marquis de Grignan. Voyez la lettre du 23 novembre 1671.
  2. Voyez la Notice, p. 98 et suivantes, et p. 111.
  3. Les éditeurs ont fait de cette affirmation badine un nom propre : Mlle de Bonnefoi de Croque-Oison. » — Voyez la note 2 de la lettre 187.