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1671 parlons très-souvent ; mais quoique j’en parle beaucoup, j’y pense encore mille fois davantage, et jour et nuit, et en me promenant (car on a toujours quelques heures), et quand il semble que je n’y pense plus, et toujours, et à toute heure, et à tous propos, et en parlant d’autres choses, et enfin comme on devroit penser à Dieu, si l’on étoit véritablement touchée de son amour[1]. J’y pense d’autant plus que très-souvent je ne veux pas parler de vous ; il y a des excès qu’il faut corriger, et pour être polie, et pour être politique ; il me souvient encore comme il faut vivre pour n’être pas pesante : je me sers de mes vieilles leçons[2].

Nous lisons fort ici. La Mousse m’a priée qu’il pût lire le Tasse avec moi : je le sais fort bien parce que je l’ai très-bien appris ; cela me divertit : son latin et son bon sens le rendent un bon écolier ; et ma routine, et les bons maîtres[3] que j’ai eus, me rendent une bonne maîtresse. Mon fils nous lit des bagatelles, des comédies, qu’il joue comme Molière ; des vers, des romans, des histoires ; il est fort amusant, il a de l’esprit, il entend bien, il nous entraîne, et nous a empêchés de prendre aucune lecture sérieuse, comme nous en avions le dessein. Quand il sera parti, nous reprendrons quelque belle morale[4] de ce M. Nicole. Il s’en va dans quinze jours à son devoir. Je vous assure que la Bretagne ne lui a point déplu.

J’ai écrit à la petite Deville pour savoir comme vous ferez pour vous faire saigner. Parlez-moi au long de votre

  1. La même pensée est exprimée dans la lettre du 9 février précédent (tome II, p. 51 et suivante).
  2. Comparez la lettre du 11 mars précédent, p. 99 et suivante.
  3. Chapelain et Ménage.
  4. Mme de Sévigné avait d’abord écrit histoire. Elle a rayé ce mot et écrit au-dessus : morale de ce M. Nicole. — Cinq lignes plus bas, il y a une autre rature dans l’autographe ; de tout ce que vous voudrez a été substitué à de toutes façons.