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Je reçois votre lettre du 23e, écrite sur la plume des vents, aussi bien que la mienne du vendredi. Ah ! ma fille, qu’elle est aimable ! quoiqu’elle ne soit point une réponse ; elle en vaut mille fois mieux. C’est donc là ce que vous m’écrivez, quand vous n’avez rien à me dire. Voilà qui me ravit : vous me dites mille tendresses, et je vous avoue que je me laisse doucement flatter à cette aimable vérité. Qui est donc ce Breton que vous servez pour l’amour de moi ? Il est vrai que tous les Provençaux me sont de quelque chose.

C’est aujourd’hui l’acte du pauvre abbé[1]. Quelle folie ! on s’en va disputer contre lui, le tourmenter, le pointiller : il faut qu’il réponde à tout. Pour moi, je suis persuadée que rien n’est plus injuste que ces sortes de choses, et que cela rend l’esprit d’une rudesse et d’une contrariété insupportable.

Vous me parlez du temps ; notre hiver a été admirable : trois mois d’une belle gelée ; voilà qui est fait ; le printemps commence ; rien n’est plus sage que nous : pourquoi êtes-vous si extravagants ?

J’ai horreur de l’inconstance de M. de Vardes : il l’a trouvée dans la fin de sa passion[2], sans aucun sujet que de n’avoir plus d’amour. Cela désespère ; mais j’aimerois encore mieux cette douleur, que d’être quittée pour une autre : voilà notre vieille querelle. Il y a bien d’autres sujets sur quoi je n’approuve pas M. de Vardes. Si Corbinelli me souhaite en Provence, il fait ce que je fais tous les jours de ma vie.

M. et Mme de Coulanges sont trop honorés de toutes

  1. 10. De l’abbé de Grignan, depuis évêque d’Évreux et ensuite de Carcassonne. Voyez la note 12 de la lettre 230. Il soutenait ce jour-là sa thèse en Sorbonne.
  2. 11. Voyez la lettre suivante. — Dans l’édition de 1754, au lieu des mots : « il l’a trouvée, » on lit : « il a trouvé cette conduite. »