Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/105

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1676 opiniâtreté : c’étoit justement cela. Je fais ici un certain tripotage à mes mains avec de la moelle de cerf et de l’eau de la reine d’Hongrie, qui me fera, dit-on, des merveilles. Ce qui m’en fait beaucoup, c’est le temps miraculeux qu’il fait ; ce sont de ces beaux jours de cristal de l’automne, qui ne sont plus chauds, qui ne sont point froids : enfin j’en suis charmée ; je m’y tiens[1], depuis dix heures du matin jusqu’à cinq heures du soir : je n’en perds pas un moment, et à cinq heures du soir, avec une obéissance admirable, je me retire ; mais ce n’est pas sans m’humilier, reconnoissant avec beaucoup de déplaisir que je suis une misérable mortelle, qu’une sotte timidité me fait rompre avec l’aimable serein, le plus ancien de mes amis, que j’accuse peut-être injustement de tous les maux que j’ai eus. Je me jette dans l’église, et je ferme les yeux, jusqu’à ce qu’on me vienne dire qu’il y a des flambeaux dans ma chambre ; car il me faut une obscurité entière dans l’entre chien et loup, comme les bois, ou une église, ou que l’on soit trois ou quatre à causer ; enfin je me gouverne selon vos intentions. J’ai vu le petit Sanguin du prince, qui est chez son cousin ; il m’apporta des perdrix, des lièvres : il est tout tel qu’il étoit ; nous parlâmes fort du temps passé, et de la princesse[2].

La nouvelle de Brisacier est toute assurée : on a découvert par des lettres qu’il écrivoit au roi de Pologne ; qu’il travailloit à le détourner de l’amitié de notre monarque ; de sorte qu’il est à la Bastille, et sa destinée est encore incertaine entre la potence et le duché.

Pour l’Allemagne, il y auroit beaucoup à dire. Le gé-

  1. 7. « Je me tiens dehors. » (Édition de 1754)
  2. 8. Cette dernière phrase manque dans l’édition de 1754 ; mais on y lit l’alinéa suivant, qui manque dans 1734.