Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/147

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toujours sur un certain chapitre, d’une manière qui me fait bien connoître[1] le grand avantage que vous avez sur moi ; mais trouvez-vous qu’un homme qui a pu plaire tout un hiver aux yeux de Mlle Agara et de la maîtresse de cinq heures, soit indigne d’être votre frère ? Vous souvenez-vous bien que je dormois un peu les soirs[2] Et vous, ne dormez-vous pas les matins ? Vous ne connoissez pas quelle jolie maladie est une sciatique : elle est charmante les nuits ; le jour ce n’est pas de même. Adieu, ma très-belle petite sœur, je vous donnerai le loisir d’assister à mon Salve[3]. Je vous prie de revenir bientôt, pour empêcher[4] ma mère d’écrire ; car pour moi j’y perds mon latin.

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598. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 18e novembre.

Ah ! ma fille, le mot d’indifférence n’est point fait pour parler d’aucun des sentiments que j’ai pour vous. Vous dites qu’il en paroît dans une de mes lettres : j’ai de bons témoins, aussi bien que vous, de la manière dont je souhaite de vous voir ; mais au milieu de cette véritable tendresse, j’ai eu la force de vous redonner votre liberté persuadée que, si vous pouviez venir, cela étoit plutôt

  1. 7. « De manière à me faire connoître. » (Édition de 1754.
  2. 8. « Vous souvenez-vous bien de ces yeux ? Il est vrai que je dormais un peu les soirs. ». (Ibidem.)
  3. 9. On chantait, à l’exécution des criminels, le Salve Regina, c’est-à-dire la prière ou séquence à la Vierge qui commence par ces mots.
  4. 10. « Ne fût-ce que pour empêcher. » (Édition de 1754.)