Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/181

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une impatience qui me fait bien sentir que votre santé est mon unique affaire. Je vous suis à toutes vos couchées. Vous serez demain[1] à Châlon, où vous trouverez une de mes lettres ; celle-ci va droit à Lyon. Le chevalier se porte mieux : sa fièvre l’a quitté, à ce que m’a dit le bel abbé, qui est si ponctuel à rendre les billets[2]. Voilà des lettres de notre cardinal : Corbinelli est arrivé à Commercy ; il ne m’a point encore écrit.

Io[3] a été à la messe : on l’a regardée sous cape ; mais on est insensible à son état et à sa tristesse[4]. Elle va reprendre sa pauvre vie ordinaire : ce conseil est tout simple ; il n’y a point de peine à l’imaginer. Jamais triomphe n’a été si complet que celui des autres ; il est devenu inébranlable, depuis qu’il n’a pu être ébranlé. Je fus une heure dans cette chambre ; on n’y respire que la joie et la prospérité : je voudrois bien savoir qui osera[5] s’y fier désormais.

Je vous embrasse, ma très-chère enfant : je ne vous

  1. 11. Cette phrase et la suivante manquent dans la première édition de Perrin (1734) ; mais elle a de plus que la seconde (1754) celle qui termine l’alinéa.
  2. 12. Voyez la lettre du 9 juin précédent, p. 168.
  3. 13. Mme  de Ludres. Voyez la lettre précédente, p. 170, note 3.
  4. 14.Le Roi, allant ou revenant de la messe, regarda Mme  de Ludres, et lui-dit quelque chose en passant ; le même jour cette dame-ci étant allée chez Mme  de Montespan, celle-ci la pensa étrangler, et lui fit une vie enragée. Le lendemain, le Roi dit à Marsillac, 1677 qui étoit présent à la messe la veille, qu’il étoit son espion, de quoi Marsillac fut fort embarrassé ; et le lendemain, il pria le Roi de trouver bon qu’il allât faire un petit voyage de quinze jours à Liancourt ; on dit qu’il ne reviendra pas sitôt, et qu’il pourroit bien aller en Poitou, car Sa Majesté lui accorda son congé fort librement. Tout le monde croit Mme  de Ludres abîmée sans ressource et Mme  de Montespan triomphante. » (Lettre de Mme  de Montmorency, du 18 juin 1677, dans la Correspondance de Bussy, tome

    , p. 280.)
  5. 15. « Qui voudra. » (Édition de 1754-)