Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/185

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1677 une sont deux[1]. Elles sont à deux lieues l’une de l’autre ; non pas la rivière entre-deux, car M. de Lorraine l’a passée : je ne hais pas l’attente de cette nouvelle ; le plus proche parent que j’y ai, c’est Boufflers[2].

Adieu, ma très-chère : profitez de vos réflexions et des

  1. 5. Tel est le texte de notre manuscrit, qui ne contient de cette lettre que ce petit paragraphe. Dans l’édition de 1754, la seule qui donne cette lettre, on lit : « …qu’une et une seroient deux. Les armées sont à deux lieues, etc. » — Le maréchal de Créquy avait été complètement battu en 1675, à Conz-Saarbrück.
  2. 6. Dans l’édition de 1754 : « que j’aie dans l’armée du maréchal de Créquy. » — C’est-à-dire que Mme  de Sévigné n’y avait pas de parents, mais seulement des amis ; nous ne croyons pas qu’elle fût parente de Boufflers. — Louis-François, frère puîné du mari de Mlle  de Guénégaud (voyez tome II, p. 505, note 5), connu d’abord sous le nom de chevalier, puis de marquis après la mort de son frère (1672), enfin de maréchal (mars 1693), de duc (1695) et pair de Boufflers (1708), était maréchal de camp depuis le 25 février précédent, et fut gouverneur de Lorraine en 1687. Il est surtout célèbre par les défenses de Lille et de Namur et par son héroïque conduite à la bataille de Malplaquet. Il mourut en 1711, à Fontainebleau, âgé de soixante-huit ans. « Rien de si surprenant, dit Saint-Simon (tome IX, p. 422 et 423)> qu’avec aussi peu d’esprit, et un esprit aussi courtisan, mais non jusqu’aux ministres, avec qui il se savoit bien soutenir, il ait conservé une probité sans la plus légère tache, une générosité aussi parfaitement pure, une noblesse en tout du premier ordre, et une vertu vraie et sincère, qui ont continuellement éclaté dans tout le cours de sa conduite et de sa vie. Il fut exactement juste pour le mérite et les actions des autres, sans acception ni distinction, et à ses propres dépens ; bon et adroit à excuser les fautes ; hardi à saisir les occasions de remettre en selle les gens les plus disgraciés. Il eut une passion extrême pour l’État, son honneur, sa prospérité ; il n’en eut pas moins par admiration et par reconnoissance pour la gloire et pour la personne du Roi. Personne n’aima mieux sa famille et ses amis, et ne fut plus exactement honnête homme, ni plus fidèle à tous ses devoirs. Les gens d’honneur et les bons officiers lui étoient en singulière estime, et avec une magnificence de roi, il sut être réglé autant qu’il le put et singulièrement désintéressé ; il fut sensible à l’estime, à l’amitié, à la confiance. Discret et secret au dernier point, et d’une rare modestie en tout temps, mais qui ne l’empêcha pas de se sentir… et de se faire pesam-