Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/205

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1677 Corbinelli au passage, et de le prendre au bout de l’avenue, pour causer avec lui jusques à demain. Nous avons pris toutes les précautions, nous avons envoyé jusques à Claye[1], et il se trouve qu’il avoit passé une demi-heure auparavant. Je vais demain le voir à Paris, et je vous manderai des nouvelles de son voyage ; car je n’achèverai cette lettre que mercredi.

Ah ! ma très-chère, que je vous souhaiterois des nuits comme on les a ici ! quel air doux et gracieux ! quelle fraîcheur ! quelle tranquillité ! quel silence ! je voudrois vous en pouvoir envoyer[2], et que votre bise[3] fût confondue. Vous me dites que je suis en peine de votre maigreur : je vous l’avoue ; c’est qu’elle parle et dit votre mauvaise santé. Votre tempérament, c’est d’être grasse ; si ce n’est, comme vous dites, que Dieu vous punisse d’avoir voulu détruire une si belle santé et une machine si bien composée : c’est une si grande rage que de pareils attentats, que Dieu est juste quand il les punit ; mais ceux qui en sont affligés ont, ce me semble, beaucoup de raison de l’être[4]. Vous voulez me persuader la du-

  1. 6. Près de la Marne, entre Livry et Meaux.
  2. 7. « Je voudrois pouvoir vous envoyer de tout cela. » (Édition de 1754.)
  3. 8. « En faisant le tour du château (de Grignan), dit H. B. de Saussure, je remarquai avec surprise que les vitres du côté du nord étoient presque toutes brisées, tandis que celles des autres faces étoient entières. On me dit que c’étoit la bise qui les cassoit ; cela me parut incroyable ; j’en parlai à d’autres personnes, qui me firent la même réponse et je fus enfin forcé de le croire. La bise souffle là avec une telle violence qu’elle enlève le gravier de la terrasse et le lance jusqu’au second étage avec assez de force pour casser les vitres. On comprend donc que Mme de Sévigné pouvoit, sans affectation, plaindre sa fille d’être exposée aux bises de Grignan. » (Voyages dans les Alpes, 8 vol. in-8o., 1786-1796, tome VI, p. 113.)
  4. 9. Ce dernier membre de phrase : « mais ceux, etc., » n’est pas dans le texte de 1754.