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627. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Livry, mercredi au soir 21e juillet.

Aimez, aimez Pauline[1] ; donnez-vous cet amusement ; ne vous martyrisez point à vous ôter cette petite personne : que craignez-vous ? Vous ne laisserez pas de la mettre en couvent pour quelques années, quand vous le jugerez nécessaire. Tâtez, tâtez un peu de l’amour maternel : on doit le trouver assez salé, quand c’est un choix du cœur, et que ce choix regarde une créature aimable. Je vois d’ici cette petite : elle vous ressemblera, malgré la marque de 1"ouvrier. Il est vrai que ce nez est une étrange affaire[2] ; mais il se rajustera, et je vous réponds que Pauline sera belle. Mme de Vins est encore ici ; elle cause dans ce cabinet avec d’Hacqueville et mon fils. Ce dernier a encore si mal au talon, qu’il prendra peut-être le parti d’aller à Bourbon, quand j’irai à Vichy. Ne soyez point en peine de ce voyage ; et puisque Dieu ne veut pas que je ressente les douceurs infinies de votre amitié, nous devons nous soumettre à sa volonté ; cela est amer, mais nous ne sommes pas les plus forts. Je serois trop heureuse si votre amitié ressembloit à ce qu’elle est :elle m’est encore assez chère, toute dénuée qu’elle est des charmes et des plaisirs de votre présence et de votre société. Mon fils vous répondra, et moi aussi, sur tout ce que vous nous dites du poëme épique. Je crains qu’il ne soit de votre avis, par le mépris que je lui ai vu pour Énée ; cependant tous les grands esprits sont dans le goût de ces anciennetés.

  1. Lettre 617. — 1. Voyez la lettre suivante, p. 228, et la Notice, p. 229 et suivantes.
  2. 2. Voyez plus haut, p. 194, et note 2.