Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/259

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1677 Bretagne pour mes affaires : sur le même ton, vous êtes bien ingrate de dire que vous voyez toujours cette écritoire en l’air, et que j’écris trop[1]. Vous ne me parlez point du tout de votre santé, c’est pourtant un petit article que je ne trouve pas à négliger : tant que vous serez maigre, ma fille, vous ne serez point guérie ; et soit par le sang échauffé et subtilisé, soit par la poitrine, vous devez toujours craindre le dessèchement. Je souhaite donc qu’on ait un peu de peine à vous lacer, pourvu que la crainte d’engraisser ne vous jette pas dans la pénitence, comme l’année passée, car il faut songer à tout ; mais cette crainte ne peut pas entrer deux fois dans une tête raisonnable.

Au reste, vous avez des lunettes meilleures que celles du bon abbé : vous voyez assurément tout le manège que je fais quand j’attends vos lettres ; je tourne autour du petit pont ; je sors de l’humeur de ma fille, et regarde par l'humeur de ma mère[2] si la Beauce[3] ne vient point ; et puis je remonte et reviens mettre mon nez au bout de l’allée qui donne sur le petit pont ; et à force de faire ce chemin, je vois venir cette chère lettre, et je la reçois et la lis avec tous les sentiments que vous devinez ; car je vous trouve des lunettes[4] pour tout. J’attends ce soir la seconde, et j’y ferai réponse demain. Le bon abbé[5] est étonné que les voyages d’Aix et de Marseille, et le payement des gardes, vous aient jetés dans une si excessive dépense. Vous disiez, il y a quinze jours, que vous étiez

  1. 2. La fin de la phrase, depuis « sur le même ton, » manque dans l’édition de 1754.
  2. 3. Voyez la Notice, p. 217 et suivante.
  3. 4. Nom d’un laquais de Mme  de Sévigné. — L’édition de 1754 porte « si mon laquais. »
  4. 5. « Car vous avez des lunettes. » (Édition de 1754-)
  5. 6. Cette phrase n’est pas dans le texte de 1734 ; la suivante manque dans celui de 1754.